Florence Hartmann, ancienne journaliste au Monde et ancienne porte-parole de la procureure générale du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), Carla Del Ponte, de 2000 à 2006, a été arrêtée le 24 mars 2016, à La Haye, alors qu’elle était venue assister au jugement prononcé contre l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, jugé ce même jour « pénalement responsable » de génocide à Srebrenica.
C’est quelques instants avant l’énoncé du verdict et au milieu d’une foule rassemblée devant l’institution, que les gardes du tribunal, assistés de la police néerlandaise, ont interpellé Florence Hartmann, condamnée en 2009 pour « outrage à la cour », après qu’elle ait publié deux décisions confidentielles du tribunal dans son livre Paix et Châtiment, en 2007. Cette condamnation avait été confirmée en appel en 2011, à une peine de 7000 euros d’amende, que l’ex correspondante du Monde dans les Balkans avait refusé de payer.
Les juges avaient alors décidé d’une condamnation à sept jours de prison, et demandé aux autorités françaises d’arrêter et de transférer l’ancienne journaliste à La Haye, demande que la France avait finalement ignorée jusqu’à ce 24 mars. Pour Jérôme Fenoglio, le nouveau directeur du monde, dans un édito publié lundi 28 mars au matin, “la peine qui lui est infligée est totalement « disproportionnée », jugeant que « l’acharnement contre Florence Hartmann doit cesser au plus vite ».
De nombreuses voix se sont également élevées pour dénoncer cette incarcération qui suscite également une vive émotion en Bosnie. Pour Carla Del Ponte, l’ancienne procureur du TPIY, l’arrestation de son ancienne collaboratrice est « inacceptable » et « absolument ridicule ».
Concernant Radovan Karadzic, condamné à quarante années de détention, il a, au total, été jugé coupable de dix des onze accusations de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie. Il a notamment été déclaré responsable, « en tant qu’individu », de prise d’otages, meurtres et persécutions dans plusieurs municipalités et à Sarajevo.
Le tribunal l’a, en revanche, acquitté de celui de génocide dans sept municipalités de Bosnie. « La chambre n’a pas été capable, sur la base des preuves présentées, d’identifier une intention de génocide de la part de l’accusé », a affirmé le juge O-Gon Kwon. Son avocat a indiqué que M. Karadzic allait faire appel de ce jugement.
Dans son livre Paix et Châtiment, publié en 2007, Florence Hartmann mentionnait deux décisions rendues par la cour d’appel du TPIY dans le cadre du procès de l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, qui auraient permis, selon elle, de prouver l’implication de l’État serbe dans le génocide de Srebrenica qui a coûté la vie à près de 8 000 Bosniaques en 1995.
Des nouvelles de l’ancienne envoyée spéciale ont néanmoins circulé sur les réseaux sociaux ce week-end, via sa page facebook personnelle, sur laquelle était mentionnées quelques informations de proches :
« Florence a été arrêtée rudement en dehors du tribunal par les gardes du TPIY, alors qu’elle attendait le verdict du procès de Karadzic avec les familles des victimes. Il ne s’agit aucunement d’une arrestation par les autorités néerlandaises, mais bien de l’ONU qui ne possède aucune autorité en la matière.
Elle fut alors emmenée à Scheveningen dans la « United Nation Detention Unit » dans le quartier des criminels de guerre qu’elle a inlassablement dénoncés.
Elle va bien, malgré l’isolement complet, la lumière fonctionnant jour et nuit et des gardiens venant la surveiller toutes les 15 minutes. En tenue de prisonnière, sans son téléphone ni accès à internet, elle s’occupe avec les magazines et livres qui lui ont été amenés et ne peut communiquer que de façon restrictive. »
Selon son avocat, Me Guénaël Mettraux, Florence Hartmann est emprisonnée au centre de détention du tribunal, dans « des conditions de surveillance pour risque de suicide, ce qui signifie que sa cellule est éclairée 24 heures sur 24 et qu’elle est contrôlée toutes les 15 minutes par des gardes ». « Elle est isolée des autres détenus et a reçu uniquement la visite du consul de France », a-t-il dit à l’AFP, précisant avoir demandé sa libération et, dans l’intervalle, un allègement de ses conditions de détention jugées « totalement inutiles, injustifiées et disproportionnées. »
Aline Le Bail-Kremer