L’American Jewish Committee Europe est à l’initiative, aux cotés notamment de la Fondation Jean Jaurès et de la Fondation pour l’innovation Politique, d’un évènement baptisé “Le Sursaut”, qui aura lieu, toute la journée du 4 avril prochain, au Théâtre Dejazet à Paris, en présence de nombreuses personnalités telles Tahar Ben Jelloun, Monique Canto-Sperber, Delphine Horvilleur, Enrico Letta (ancien Premier ministre italien), Gilles Kepel, Alexandra Lagnel-Lavastine, Raphaël Glucksmann, Richard Malka, ou encore Dominique Schnapper. Manuel Valls, Gilles Clavreul et Bruno Le Maire font également partie de la programmation. Nous avons posé 5 questions à Simone Rodan, directrice de l’AJC Europe et du bureau de Paris, à la veille de cette rencontre européenne.
L’Arche : Vous organisez, avec d’autres partenaires, ce lundi 4 avril, un événement intitulé “Le Sursaut”, au Théâtre Dejazet, “point de départ de la création d’une plateforme de réflexions et d’engagement pour redonner corps à nos valeurs démocratiques face à la menace islamiste et à la récupération populiste.” Comment, selon vous, se décline cette menace populiste dans la période ?
Simone Rodan : Il suffit de voir ce que prédisent les sondages pour la prochaine présidentielle en France et cela depuis un an pour voir combien cette menace est une évidence! Qui aurait cru un jour que le Front National arriverait en tête des élections européennes? Qui aurait cru que ses candidates Marine et Marion Le Pen dépasseraient les 40% dès le premier tour dans leurs régions respectives? Ce phénomène, nous le savons bien est européen, même si les partis ne sont pas de même nature: les succès d’Aube Dorée en Grèce, la progression de Ukip en Angleterre, du FPO en Autriche, de la Ligue du Nord en Italie, du Vlams Blang en Belgique et depuis le AfD en Allemagne …toute l’Europe est aujourd’hui concernée par la montée des idéologies populistes, qui nous le savons bien, surfent sur les peurs des peuples. De ce point de vue, les islamistes dont l’objectif est de monter les peuples européens contre leurs populations musulmanes réussissent très bien leur coup. Le Sursaut est une réponse à ces deux phénomènes: nous refusons de choisir entre deux haines, nous rejetons la propagande djihadiste et mettons en garde contre la récupération populiste. L’Arche : Quelle est la particularité de cet évènement, au regard d’autres mouvements qui ont pu voir le jour ces derniers temps, comme le “Printemps Républicain” par exemple ? Simone Rodan : Les initiatives sont complémentaires mais différentes. Le Printemps Républicain est une initiative française et plutôt réservée à une partie de la gauche. Le Sursaut est un rendez-vous européen, une très grande partie de nos intervenants viennent d’autres pays que la France et vont partager avec le public leurs expériences et leurs ressentis. Enfin, vous l’aurez remarqué en regardant notre programme, Le Sursaut est un rendez-vous transpartisan ouvert à toutes celles et ceux qui veulent défendre les valeurs démocratiques, de gauche comme de droite, à l’exception évidemment des extrêmes. L’Arche : Quelle pourrait-être la signification des participations de Manuel Valls et de Bruno Le Maire, annoncées ce 4 avril ? Simone Rodan : Chacun sait que le Premier Ministre a été en première ligne ces derniers mois pour évoquer les valeurs républicaines dans un contexte de lutte antiterroriste. Il nous apparaissait important qu’il puisse, dans une journée où des femmes et des hommes viennent partager leurs analyses et leur savoir-faire notamment sur ces questions, être présent pour lui aussi apporter son ressenti et porter une parole forte contre toutes les idéologies de haine qui se répandent en Europe. Bruno Le Maire, candidat à l’élection présidentielle ayant vocation donc demain peut être à défendre les valeurs de la république a eu raison d’accepter notre invitation pour lui aussi exprimer son point de vue sur les menaces que nous traversons.Le Sursaut étant, comme je vous l’ai dit, transpartisan, nous sommes ravis de les recevoir et l’un et l’autre. L’Arche : Quelle pourrait être la suite à donner à cette journée ? Simone Rodan : Nous voulons que toutes celles et ceux qui se seront mobilisés soient demain acteurs du sursaut. Nous ferons des propositions concrètes pour que cet événement ne reste pas sans suite notamment sur les réseaux sociaux qui sont comme chacun le sait un formidable outil démocratique mais aussi un vecteur de radicalisation et d’expression de la haine raciste, sexiste, antisémite et homophobe. La clé de cette mobilisation est de dire que comme lors des manifestations du 11 janvier dernier, le peuple est toujours prêt à se lever lorsque l’essentiel est en jeu alors n’attendons pas tout de nos dirigeants et agissons chacun dans notre domaine, au quotidien pour promouvoir nos valeurs de liberté et de paix en Europe. L’Arche : Quel est le sens de l’action de l’AJC Europe dans cette démarche ? Simone Rodan : AJC est une organisation qui a toujours eu vocation à défendre les Droits de l’Homme partout dans le monde. L’Europe, je ne vous l’apprends pas a été le théâtre de trop de tragédies ces dernières années. Il y avait urgence face à la montée de l’antisémitisme dont l’assassinat d’Ilan Halimi, la tuerie de Toulouse ou l’attentat de l’Hypercacher sont les manifestations les plus dramatiques à agir. Depuis plus de 15 ans nous le disons et le répétons: les juifs sont des sentinelles et l’antisémitisme est une tragédie pour ces minorités, mais cela est d’abord un problème pour les valeurs démocratiques de l’Europe. Nous avons la conviction intime, que la seule manière de lutter contre l’islamisme et le populisme (l’antisémitisme étant la premier symptôme) est de redéfinir et renforcer les valeurs démocratiques et républicaines. Nous allons poursuivre notre travail dans ce sens. http://lesursaut.fr/le-sursaut/ Propos receuillis par Aline Le Bail-Kremer |