Manifestement, Alain Finkielkraut n’était pas le bienvenu, ce samedi 16 avril, sur la Place de la République, par au moins une partie des “occupants” du lieu, organisés en assemblées générales nocturnes et à ciel ouvert depuis plusieurs semaines. Aux cris de “facho” , “casse-toi” et “bouge”, auquel ce dernier ne manquera pas de répondre dans le même registre, l’académicien a du battre en retraite, escorté par le service d’ordre du mouvement Nuit Debout , lui demandant “de ne pas en rajouter”.
Cette violente prise à partie, “revendiquée” sur Twitter par les Jeunes Communistes dans la soirée, a créé l’émoi sur les réseaux sociaux, inondés depuis par un “débat” virulent, frénétique et agressif.
Pour Alain Finkielkraut, interrogé quelques instants après les faits : “Qu’est-ce que vous voulez que j’en pense ? J’ai été expulsé d’une place où doit régner la démocratie et le pluralisme. Cette démocratie, c’est du bobard, ce pluralisme, c’est un mensonge. D’autant que je ne venais que pour écouter, pas pour faire valoir mes idées. On a voulu purifier la place de la République de ma présence. J’étais venu par curiosité, pour savoir à quoi m’en tenir, sans en passer par le filtre des médias.”
Un peu plus tôt, Yánis Varoufákis, l’ancien ministre démissionnaire grec des Finances, avait fait une courte apparition pour exprimer son soutien au mouvement, mais sa visite aura été finalement éclipsée par l’évincement brutal de la présence de l’académicien.
Quelques heures avant, également, était mise en place une commission “Palestine”, à la suite de l’intervention et sur proposition, en AG, des représentants du mouvement BDS, la veille, appelant au boycott d’Israel.
Si jusqu’ici, malgré les débordements imputés à des casseurs plutôt marginaux qu’aux organisateurs de la Nuit Debout en tant que telle, ces activités nocturnes inspiraient autant de sympathie et de curiosité que d’agacement ou d’indifférence, il serait désormais temps que, confrontée au réel des récupérations et des mouvements haineux traversant notre époque, l’agora de jeunesse initiale garde certaines distances intellectuelles ou travaille quelques dossiers pour ne pas sombrer au coeur des inquiétudes légitimes s’exprimant depuis quelques heures. Nous n’avons plus le droit ni le luxe de faire semblant. Mais si certains commentateurs sont prompts à se saisir des débordements en marge du mouvement de ces Nuits Débout pour décrédibiliser d’emblée les initiatives fleurissant dans toute la France depuis le 31 mars, et qui incarneraient l’espoir “d’un monde meilleur”, il s’agit aussi désormais de veiller avec une attention républicaine sur ces promesses de démocratie nocturne de “solidarité, réflexion et d’action collective”. Pour que ces nuits restent « belles », pourrait-on dire, encore est-il urgent d’éviter les dérapages. L’Arche Magazine n’en continuera pas moins à suivre le mouvement.
Aline Le Bail-Kremer