Dimanche 29 mai, M. Francis Kalifat a été élu président du Crif pour un mandat de trois ans, succédant à M. Roger Cukierman. A cette occasion, celui-ci s’est entretenu avec l’Arche magazine et a évoqué ses objectifs, son combat contre l’antisémitisme, mais aussi sa vision de la laïcité et du judaïsme français.
L’Arche magazine – Dimanche dernier, vous avez été élu président du CRIF. Quels sont les grands axes auxquels vous souhaitez vous attaquer lors de votre mandat ?
Francis Kalifat – L’axe essentiel de ma présidence du Crif sera d’ériger en principe la « tolérance zero » sur les questions d’antisémitisme. Tolérance zéro en ce qui concerne les violences verbales sur internet, tolérance zéro pour les agressions du quotidien et tout ce qui participe à ce type de difficultés que rencontrent les Français juifs. Tolérance zéro aussi, sur ce nouvel antisémitisme, à savoir, l’antisionisme poussé dans sa radicalité – celui qui dépasse la critique du gouvernement israélien et qui veut délégitimer l’existence d’Israël. Tolérance zéro sur tout ce qui est à la source de cette haine d’Israël et par voie de conséquence, cette haine des juifs (dont les similitudes ont déjà été évoquées, à juste titre, par le Premier ministre Manuel Valls). Tolérance zéro donc, à propos de ces mouvements de boycotts indignes, et particulièrement le BDS, jugé illégal par la cour de cassation mais qui pourtant, continue d’organiser des manifestations partout en France. Il est primordial pour moi de faire en sorte que le BDS soit rayé du paysage français.
La vigilance contre l’antisémitisme concerne aussi certains groupuscules et partis, qui relayent cet antisémitisme ou qui soutiennent l’action du BDS. Il y a par exemple certaines franges de l’extrême gauche, qui peuvent flirter avec l’antijudaïsme. La vigilance est aussi valable à l’extrême droite de l’échiquier politique, où se situe le Front National. Nous sommes conscients des tentatives de ce parti, à l’approche des élections présidentielles, de séduire la communauté juive. Or nous n’avons aucune sympathie pour le Front National. C’est un parti qui à mes yeux est in-fré-quen-table.
L’Arche magazine – Concrètement, comment comptez-vous vous y prendre pour rayer le BDS du paysage français?
Francis Kalifat – Ce mouvement n’est pas organisé en association constituée, que l’on pourrait dissoudre… donc la seule façon d’aboutir à sa disparition, c’est de le traîner en justice à chaque fois qu’il commet une infraction et d’avoir une vigilance maximale sur son action. Il s’agit aussi de mettre la pression nécessaire sur le pouvoir politique pour que celui-ci prenne conscience de sa dangerosité.
L’Arche magazine – L’antisémitisme est donc un vaste chantier… mais en plus de cela, quels sont vos objectifs ?
Francis Kalifat – Un autre objectif de ma présidence, est de recréer chez les Français juifs la confiance en la France. Je ne peux pas accepter que les Français juifs quittent leur pays lorsque ce choix n’est pas fait librement. Je respecte absolument la décision de faire son Alyah, c’est un choix estimable. Chaque Français peut d’ailleurs choisir de s’expatrier pour une raison ou une autre. Mais cette décision doit être prise de façon souveraine. Cela implique de résoudre les problèmes qu’ils endurent.
L’Arche magazine – Selon vous, y-a-t-il d’autres raisons qui poussent les Français juifs à faire leur Alyah ?
Francis Kalifat – Il y a une forte proximité des Français juifs avec Israël, on a coutume de dire que ceux-ci s’identifient au destin de ce pays. Des raisons religieuses peuvent dicter l’envie de partir, pour s’épanouir dans sa pratique puisque par exemple, les lois sur la laïcité ne sont pas en vigueur en Israël. Outre les raisons religieuses, il y a aussi l’idéal sioniste, qui attire de nombreux candidats à l’Alyah motivés par cet idéal. Et puis des raisons économiques aussi, puisqu’Israël vit une belle croissance économique. Ce pays que l’on appelle la « Start Up Nation », peut pousser certains à décider de partir. Beaucoup de raisons peuvent expliquer le choix de partir vivre en Israël, mais la seule raison que nous n’acceptons pas, c’est que celle-ci soit la crainte de vivre en Europe, à cause de l’antisémitisme.
L’Arche magazine – Vous venez d’évoquer la laïcité française qui se trouve au fondement de notre régime républicain. Quel est votre avis sur le sujet ?
Francis Kalifat – La laïcité est le garant de la pratique religieuse en France, pour quelque religion que ce soit. Je dirais même qu’elle est le garant de l’unité nationale. Historiquement, les juifs se sont toujours inscrits dans la démarche des valeurs républicaines dont fait partie la laïcité. Il faut d’ailleurs souligner que la pratique religieuse juive ne s’est jamais opposée à ces valeurs.
L’Arche magazine – Pensez-vous qu’il soit possible qu’un jour, il n’y ait plus de juifs en France ?
Francis Kalifat – Non seulement je ne le pense pas, mais je n’arrive même pas à l’imaginer. Les juifs sont en France depuis des milliers d’années, ils ont tout donné à leur pays. Des soldats morts au champ d’honneur dans toutes les guerres, des prix Nobels, des économistes prestigieux, des artistes, des écrivains… Le judaïsme fait partie de la France, comme le souligne Manuel Valls. Les juifs et la France ont un destin commun, qui est celui du peuple français.