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Antisémitisme

George Clooney : « Tu nous as amenés là où nous sommes, à nous de continuer »

Les hommages ont afflué.

De la Maison Blanche, Barack Obama a salué « une des grandes voix morales de notre temps et, à plus d’un titre, la conscience du monde.  (…) Il n’était pas seulement l’un des plus éminents survivants de l’Holocauste mais il était aussi un vivant monument de la mémoire. » En deuil, comme “des millions d’admirateurs,” Obama a aussi évoqué l’ami, rappelant leurs conversations, les leçons qu’il avait reçu d’Elie Wiesel, notamment lors de leur à visite à Buchenwald. D’anciens présidents ont aussi exprimé leur dette, tel George Bush senior. « Je lui suis reconnaissant de ses vues sur la vie humaine, son esprit généreux et son grand cœur. » Et surtout Bill Clinton, signant un communiqué commun avec Hillary : « Elie avait endossé la bénédiction et le fardeau d’être un survivant. On dit souvent qu’une personne d’intégrité peut faire la différence. Pour tant d’entre nous, il était cette différence- et cela inclut l’inauguration du Musée du mémorial de l’Holocauste en 1993 lorsqu’il m’a pressé de faire cesser le nettoyage ethnique en Bosnie, la conférence du Millénaire à la Maison Blanche qu’Hillary l’avait invité à donner, et tous ses merveilleux livres et ses conférences. »

Le rôle de Wiesel dans la création du musée de l’Holocauste à Washington, servant de président et œuvrant à unifier les groupes de survivants – parfois rivaux- autour de ce projet, ainsi que de lever les fonds nécessaires, avait été en effet décisif. ET Bill Clinton n’a pas manqué de le souligner. Pourtant, par le passé, les relations d’Elie Wiesel avec l’un des résidents de la Maison Blanche n’avaient pas été aussi cordiales. En 1985, dans son discours de réception de l’une des plus importantes distinctions américaines, la Médaille du congrès, il s’était opposé à la visite de Ronald Reagan au cimetière militaire de Bitburg où sont enterrés d’anciens SS – « votre place n’est pas là, Monsieur le président. Votre place est avec les victimes des SS. »

Si Elie Wiesel parcourait le monde, il était un résident de New York, où sa disparition a résonné de façon toute particulière. Une centaine de personnes a assisté aux obsèques qui ont eu lieu le 3 juillet à la Fifth Avenue Synagogue, synagogue othodoxe de l’Upper East Side, le quartier dans lequel il vivait. Dans un tweet, Bill de Blasio, le maire de la ville, soulignait que le monde avait perdu «l’une des voix de paix les plus éloquentes et New York, un précieux fils adoptif. » A la sortie de la cérémonie, Ronald Lauder, héritier de l’empire des produits Estée Lauder cosmétique et président du Congrès Juif mondial, insistait lui aussi sur le legs du défunt :  « Nous avons perdu le plus éloquent témoin du plus grand crime de l’histoire. Sans Elie Wiesel dans ce monde, il appartient à chacun de nous de nous opposer aux négationnistes. Sa disparition nous contraint tous à œuvrer davantage car nous n’aurons plus Elie pour nous rappeler ce qui se passe lorsque notre monde est silencieux et indifférent au mal. C’est notre tâche et celle de nos enfants et nos petits-enfants de reprendre le flambeau. »

Parmi les réactions des figures majeures des institutions juives, le créateur du centre Simon Wiesenthal ainsi que la puissante et centenaire Anti-Defamation League (ADL) dont le rôle est d’assister les victimes d’antisémitisme et de le combattre ainsi que toutes les autres formes intolérances, mais dont les méthodes pugnaces envers les critiques de l’Etat d’Israël ont  été contestées. Un communiqué commun de Marvin Nathan, président, et du directeur général  mettait en relief.  « Une voix de la conscience pour les victimes muettes de l’Holocauste et pour les victimes des autres génocides (…) » Ronald S. Lauder avait aussi évoqué la « nécessité de transmettre le message d’espoir et de paix dans le monde. »

La déclaration de Melinda Gates, l’épouse du milliardaire fondateur de Microsoft et présidente de la fondation philanthropique, avait la même tonalité,  évoquant celui qui « restait optimiste dans les jours les plus sombres et nous poussait à voir la beauté dans l’humanité. »

Certes, quelques dissonances se sont fait entendre dans l’unanimités des louanges,  reprochant à Elie Wiesel son refus de reconnaître le génocide arménien de peur de froisser, en la Turquie, le délicat allié d’Israël.  Et son engagement pour l’état hébreu a aussi suscité, de la part de ses habituels pourfendeurs, des critiques sur une droiture morale à géométrie variable. Mais aucune véritable controverse ne s’est véritablement invitée dans les médias traditionnels. Au contraire.

Les journalistes légendaires Larry King, Dan Rather, Katie Couric ont rendu de vifs hommages au disparu. A Hollywood et Broadway aussi, les stars ont exprimé leur perte – Jamie-Lee Curtis, Lin-Manuel Miranda, dont le spectacle de Broadway est un triomphe aux dimensions inédites et enfin George Clooney, dont les mots vibraient d’affection et de peine :« A moins d’avoir 88 ans, la plupart d’entre nous n’avons jamais vécu dans un monde sans Elie Wiesel.  Nous avions avec lui un champion qui portait sur ses épaules notre peine, notre culpabilité et notre responsabilité pour des générations. Et maintenant il est parti. Il est difficile de se l’imaginer. Mais il me semble que c’est notre tour, à présent. De nous battre pour les démunis. De dire leur vérité aux puissants et de ne jamais oublier combien l’homme peut-être cruel envers son semblable. En mémoire d’Elie, c’est la moindre des choses que nous puissions faire. Repose en paix, mon ami. Tu nous as amenés là où nous sommes. A nous de continuer. »