Serge Moati publie « Juifs de France, pourquoi partir » (Stock). Une enquête qui réunit de nombreux témoignages des candidats à l’Alya et qui met en perspective les nouvelles radicalités du discours de la communauté juive de France.
Serge Moati aime les aventures humaines et les histoires à raconter. Après les documentaires, les émissions politiques et les ouvrages en tous genres, l’aventurier aux lunettes rondes s’attaque à une enquête sur un sujet sensible, à savoir l’émigration en Israël. Dans son nouvel ouvrage « Les juifs de France, pourquoi partir ? », à paraître le 18 janvier cher Stock, le journaliste part à la rencontre des candidats à l’alya. Il donne la parole à ceux qui la préparent, ceux qui la vivent et ceux qui l’ont vécu, quels qu’en soient les souvenirs qu’ils en ont gardés. Les mystiques, les angoissés, les déçus se confient sans langue de bois et c’est là que réside la force de ce travail. Ce vivier de témoignages, de formules chocs au style alerte et vif, subsiste comme le matériau substantiel d’une histoire en train de s’écrire. « Le juif de la Diaspora est un juif qui boite comme Jacob au sortir de son combat avec l’ange. Victorieux mais honteux. Le sioniste, celui qui fait son alya, ne veut plus boiter. D’ailleurs, il ne boite plus » résume ainsi leur pensée.
L’auteur donne la parole aux autres plutôt que son propre avis. Ce qui ne l’empêche pas de se mettre en scène, de raconter les situations cocasses qui lui arrivent lors de l’enquête, comme lorsqu’il est pris à parti à l’aéroport de Tel Aviv et suspecté pour avoir demandé à l’agent des douanes de ne pas tamponner son passeport. Sa vie personnelle fait aussi partie de l’aventure, son expérience dans un Kiboutz, sa compassion pour les Palestiniens. Lui homme de gauche, qui dénonce les implantations et la politique autoritaire du gouvernement Netanyahou, avoue frôler le malaise en entendant l’avis de cette communauté qui a un compte à régler avec la gauche. « Je ne supporte plus ce pays de socialo-communistes », lui avoue un interviewé. « Voulez-vous me dire la différence entre Marine Le Pen et Clémentine Autain ? C’est kiff-kiff », assure encore un autre.
Radicalité du discours comme cri d’appel
Les témoignages recueillis mettent en lumière une nouvelle radicalité dans le discours des juifs de France. Hantée par l’angoisse de disparition et la montée de l’islamisme d’une part et/ou portée par un cheminement religieux de l’autre, une partie grandissante de la communauté juive fait le choix de l’expatriation vers Israël. Un déracinement qui peut s’avérer douloureux, mais en constante augmentation puisque ce chiffre a explosé en 2015 (3.400 départs en 2013 ; 6.949 en 2014 ; 8.000 en 2015, l’année la plus sanguinaire depuis la seconde guerre mondiale). Bien que cette tendance semble se stabiliser en 2016, chacun de ces départs réduit cette communauté qui compte environ 500.000 âmes, à une peau de chagrin.
Cette nouvelle radicalité que montre Moati à travers ces témoignages est également mise en relief par l’étude pilotée par Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach de l’IFOP, à la demande de la Fondation Jean-Jaurès. Celle-ci révèle en effet une « droitisation » au cours des dernières années de cet électorat qui vit avec un fort sentiment d’insécurité.