Le Président-fondateur d’En Marche, ancien ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, candidat à la présidentielle, s’exprime pour la première fois dans l’Arche, le magazine du judaïsme français.
Dans le nouveau numéro de l’Arche, qui sort le 3 janvier, il évoque le rejet de la gauche :
« Depuis deux ans, quel que soit le scénario envisagé par les sondages, aucun candidat de gauche ne parvient à se hisser au second tour de la présidentielle. Que cette gauche soit unie derrière un candidat ou fracturée n’y change rien. C’est donc qu’il y a un rejet de ce qu’elle propose. Ce rejet la prive de toute chance de succès, mais il fait aussi le jeu de la désespérance et donc du Front National. Avant de réfléchir en termes tactiques, il convient donc, à partir des réalités du monde et des véritables préoccupations des Français, de refonder l’offre idéologique et de dépasser les clivages que je mentionnais en proposant quelque chose de cohérent, de conforme au monde d’aujourd’hui, de profondément réformateur. Il faut ensuite convaincre les Français de la validité de cette offre idéologique et parier sur leur envie de faire évoluer notre pays. C’est ainsi seulement qu’on pourra offrir une alternative et ne pas laisser au Front National le vote de ceux qui ne se reconnaissent plus dans aucune offre politique. Il faut aussi savoir parler à ces électeurs de ce qui les préoccupe vraiment. »
Sur les raisons qui l’ont conduit à quitter François Hollande :
« Sur l’économie, l’Europe, la relation avec le fait religieux, le travail, des visions radicalement différentes déchirent les structures partisanes. On l’a bien vu pendant le quinquennat de François Hollande : le Président de la République a dû vivre en cohabitation avec une majorité parlementaire dont une grande partie était en opposition résolue à son action – les fameux « frondeurs ». La même chose vaut à droite. (…) Dans chaque parti existe un schisme entre les progressistes et les conservateurs et ce schisme compromet toute la faculté d’agir une fois l’élection passée. La fatigue démocratique naît de cela. »
Emmanuel Macron ne trouve pas dans les idées de la gauche de vraies chances de réussir, même s’il partage certaines valeurs avec les candidats à la primaire de la gauche :
« Ponctuellement, il y a des idées qui me semblent intéressantes, et un certain nombre de valeurs que je partage. Je viens de la gauche et il est donc naturel que je puisse trouver des points d’accord avec les candidats à la primaire du Parti Socialiste. Cependant je ne trouve jamais dans ces idées telles qu’elles sont exprimées la cohérence d’ensemble, la grammaire idéologique, qui leur donnerait une vraie chance de réussir dans le monde tel qu’il est. »
Il souhaite la mobilisation de 10.000 policiers supplémentaires pour l’opération Sentinelle :
« L’état d’urgence est par nature temporaire. Vivre durablement en état d’urgence n’a pas de sens. Je crois que nos lois sont suffisantes pour mener la lutte contre le terrorisme et la menace terroriste. Je crois aussi que beaucoup plus doit être fait pour soutenir cette lutte. C’est pourquoi je propose d’embaucher 10 000 policiers sur la durée du quinquennat afin de relever l’armée dans la mission Sentinelle. Je propose de rétablir une police de proximité et un renseignement territorial, dont la suppression nous a été très préjudiciable. Je propose également de repenser notre relation avec l’islam et de former les imams en France, dans les lois de la République. Rien de tout cela ne relève de l’état d’urgence mais c’est cela que nous ferons. Toutefois, pour le moment et jusqu’à l été prochain, je suis favorable au maintien de l’état d’urgence. Il faudra alors évaluer les risques en transparence et appréhender l’utilité et la pertinence de cet état d’urgence. »
Sur la laïcité :
« Je ne suis pas de ceux qui font de la laïcité la religion de substitution de la République. Je suis pour la laïcité de 1905. C’est une règle de liberté, pas de coercition. Elle ne s’oppose pas au fait religieux. Elle garantit aux religions et aux croyants liberté et sécurité. Elle ne stigmatise par les croyances. Elle s’assure en revanche que notre vie commune ne soit pas construite par ces croyances, que le débat public n’en soit pas le terrain d’expression. La France n’est ni une théocratie ni une mosaïque de communautés. Elle est un projet commun que chacun construit dans la liberté de ses convictions, au service de l’intérêt général. »
Sur le philosophe Paul Ricoeur (dont il a été l’assistant) :
« J’ai pu à son contact, dans mes conversations avec lui, apprendre à lire les grands textes et comprendre qu’il n’y a pas d’action efficace sans réflexion approfondie. J’avais été instruit, mais avec lui je me suis véritablement formé : tout ce que je savais a pris sens. C’est de là sans doute que je tire cette obsession de mettre toujours mes idées en cohérence, de ne pas me contenter d’additionner les idées ou les arguments mais de prendre soin à ce qu’une unité se dégage, une vision organique, un corpus homogène. Sinon, les idées sont des mots creux et sont condamnées à rester lettre morte. »