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Sorties

Résister c’est exister

La metteuse en scène Isabelle Starkier et le comédien François Bourcier ont uni leur talent pour un spectacle bouleversant, dont c’est la première à Paris après 600 représentations dans toute la France. On se souvient de Lettres de délation, adaptation du livre d’André Halimi par François Bourcier, seul en scène, incarnant ces Français dénonciateurs sous l’Occupation.

Isabelle Starkier : « François voulait contrebalancer ce côté noir. Il m’a proposé un deuxième volet, d’après le texte d’Alain Guyard à partir de témoignages de gens résistant chacun à sa façon pendant l’occupation nazie. » Alain Guyard, écrivain philosophe : « Qu’est-ce que ma France ? Une France où affluent des juifs prêts à verser leur sang pour l’idéal des Lumières qu’elle incarne. Une France où les ouvriers prennent les armes contre l’occupant et ses alliés du patronat. Une France des humbles, des modestes et des sans-grade qui ont l’instinct très sûr de la solidarité et de la fraternité… car un néonazisme a vu le jour, s’articule autour des mêmes notions que son prédécesseur… »

Sur une scène plongée dans la pénombre, sont suspendus sur des chaînes des vêtements, des casquettes, des chapeaux, des objets épars sur le sol. Le comédien, extraordinaire, accomplit non seulement un travail d’acteur ciselé et juste, mais incarne prodigieusement chacun des quarante personnages, se transformant comme par magie en une seconde. C’est la France des anonymes, qui ne seront jamais honorés, l’armée de l’ombre, le gendarme disant à l’enfant juif de montrer ses faux papiers et non les vrais, le médecin, le proviseur, le curé, l’ouvrier, le paysan, ils risquent tous leur vie. Le personnage naïf, drôle parfois, est ces femmes et ces hommes. Le comédien, surprenant et profondément émouvant Pierrot lunaire, fascinant, à travers ses multiples incarnations, suscite l’affection des spectateurs.

Isabelle Starkier : « On ne connaît pas tous ces gens qui ont décidé d’être des humains, de résister pour exister. À un moment, le hasard propose le bon choix, les anonymes deviennent des héros inconnus, petits ou grands. Nous voyons le colonel Fabien, qui tremble avant de tirer sur un soldat allemand dans le métro. Ils ont décidé d’agir. Le théâtre est un voyage à travers l’homme, l’Histoire, qui sert à se sentir tous concernés. Ce fil conducteur a guidé ma dramaturgie, François offre une magnifique performance d’acteur. » Isabelle Starkier avait créé L’homme dans le plafond, elle prépare le Bourgeois gentilhomme, bourgeois éclairé, sorte de Don Quichotte, affirmant que la culture est plus importante que l’argent.

La scénographie est impressionnante, plongeant le spectateur dans la période terrifiante de l’Occupation, avec ce personnage plein de force, et paradoxalement d’optimisme, ce comédien exceptionnel habité par sa foi en la liberté et la solidarité qu’il transmet avec son immense talent. Avec les voix d’Eva Darlan, Evelyne Buyle, Daniel Mesguisch, Yves Lecoq, Stéphane Freiss, les costumes d’Anne Bothuan.

François Bourcier disait après Lettres de délation : « Nous sommes tous responsables du devoir de mémoire. C’est notre héritage commun. »

Studio Hébertot, 78bis, boulevard des Batignolles, 75017 – Paris.

Du 10 janvier au 19 mars 2017.

Offre spéciale, jusqu’au 29 janvier, pour les lecteurs de l’Arche : Une place gratuite pour une place achetée.