Dimanche 19 mars, le soleil brille à Toulouse mais le cœur n’y est pas pour contempler le ciel bleu qui annonce le printemps.
Voici 5 ans, celui que l’on ne veut plus nommer dans la ville rose pénètre dans l’école juive Ozar Hatorah. Avec sang-froid, au moment de la rentrée des élèves, il exécute Gabriel Sandler, 3 ans, son frère Aryeh, 6 ans, Myriam Monsonego, 8 ans et le rabbin Jonathan Sandler, 30 ans.
Tout commence le 11 mars. Ce jour-là, dans un quartier périphérique de Toulouse, il abat Imad Ibn Ziaten, un maréchal des logis de 31 ans. Le 15 mars, il tue deux autres militaires à Montauban cette fois-ci : le caporal Abel Chennouf, 26 ans et Mohammed Legouad 24 ans.
« La République n’oublie pas », affirme Bruno Le Roux lors d’une cérémonie organisée, dimanche dernier en hommage aux sept victimes de Toulouse et Montauban.
« Aujourd’hui, cinq ans après, la douleur et l’effroi demeurent en nous. Ils n’ont pas disparu, ils ne se sont pas apaisés avec le temps. Cinq ans après la tragédie, il nous est impossible d’oublier », poursuit le ministre de l’Intérieur à l’école juive Ozar Hatorah, renommée Ohr Torah.
« Jamais, jamais il n’y aura de refuge sur le sol national pour les terroristes qui s’en prennent à nos enfants, à nos proches, à nos amis, à nos policiers et à nos soldats. Jusqu’au dernier, nous les traquerons. Jusqu’au dernier, nous les jugerons », insiste Bruno Le Roux, promettant que les auteurs d’actes antisémitismes et de racismes seront « inlassablement » traduits en justice.
Pour la première fois depuis l’attentat du 19 mars 2012, l’école dirigée par le rabbin Yaacov Monsonego, a ouvert ses portes pour une cérémonie. Elle est ponctuée de textes et des chants, notamment un entonné par d’anciens camarades de la classe de Myriam.
Une sculpture, un arbre de vie aux couleurs multiples, offert par l’artiste Charles Stratos, est dévoilée. Puis une seconde cérémonie silencieusea lieu au square du Capitole, la mairie de Toulouse. Des gerbes sont déposées devant un magnolia planté en 2013 par le président de la République François Hollande.
Cinq ans apres la tuerie, la communauté juive de Toulouse restée traumatisée, partagée entre la peur et la colère.
Ses dirigeants veulent tenir un discours rassurant, mais ne peuvent nier que l’incertitude anime les 25 000 juifs qui habitent dans la ville et la banlieue.
Yves Bounan, le président de l’Acit, la communauté signale qu’apres la cérémonie du dimanche 19 mars, « le temps du deuil est un peu terminé. Les gens ont besoin de se rassembler et jamais il n’y a eu autant de monde à l’Espace du Judaïsme, le grand centre communautaire et dans les synagogues pour célébrer Pourim », fait-il remarquer.
Une nouvelle génération de dirigeants la plupart quadragénaires et unis autour d’Yves Bunan, Avraham Weill le grand rabbin de Toulouse et de sa région Franck Touboul, le président du Crif, Karine Bendayan la présidente de l’Aujf entendent donner de la force et du courage à cette communauté qui a du mal à surmonter le choc.
Tous rendent un hommage appuyé au rabbin Yaacov Monsenogo qui continue à diriger son école Ohr Thorah malgré l’assassinat de sa fille et au rabbin Yossef Matusof, directeur du Gan Rachi, dont les trois petits enfants massacrés étaient ses élèves. Pendant plusieurs années des équipes de psychologues ont apporté un soutien au corps enseignant et aux élèves dans cette ville tranquille où il ne se passait jamais rien.
Tous saluent également l’engagement déterminant de Manuels Valls qui a mis des moyens pour assurer la sécurité des lieux et des personnes. A la mairie, Aviv Zonabend, conseiller délégué ajoute que la police municipale sous l’impulsion du premier magistrat Jean-Luc Moudenc (les Républicains), patrouille armée 24 heures sur 24.
Personne n’a envie de revenir sur les ratés de l’enquête policière et de l’opération du RAID de 2012, mais depuis, on sait que Toulouse et sa région est la deuxième « base djihadiste de France ».Plusieurs quartiers de Toulouse sont des « territoires occupés ou des territoires perdus », ironise un habitué d’une synagogue », qui ajoute qu’au moins 400 personnes sont fichées S » Le tueur fait l’objet d’un pèlerinage. Des rassemblements sont organisés autour de son tombeau à Cornebarrieu dans la banlieue toulousaine ou à proximité de sa maison dans le quartier huppé de la Cote pavée
Paniqués par l’attentat et aussi parce que l’antisémitisme au quotidien n’a pas disparu, des juifs décident de faire leur alyah: 240 familles entre 2013 et 2016.Mais depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper cacher, les départs sont moindres. « Peut-être parce que les juifs ont pris conscience qu’ils ne sont plus visés, mais aussi parce qu’ils sont confrontés à la réalité israélienne », propose comme analyse un responsable communautaire. Mais ces départs ont des conséquences : on trouve de la place dans les écoles juives tellement convoitées, et ce sont souvent des donateurs importants qui sont partis.
Pourtant proche, l’élection présidentielle n’est pas la première des préoccupations bien que la popularité de Marine Le Pen les inquiete. « Les juifs veulent vivre en sécurité ! Nous ne sommes à l’abri de rien ! », explique un fidele de la synagogue Adath Yeshouron .Mais les juifs de Toulouse affirment qu’ils ne ne vont pas se laisser tenter par l’aventure de l’extrême-droite et repoussent , à part quelques nostalgiques de regarder du coté de la gauche perçue comme « trouble » dans sa dénonciation de l’antisémitisme et dénoncée pour son alignement pro-palestinien inconditionnel. Le maire de Toulouse, dont la ville est jumelée avec Tel-Aviv de puis 1962, a pour sa part interdit toute salle municipale au BDS. Et il met en place, sous l’impulsion d’Aviv Zonabend des programmes de start-up avec la ville israélienne et Atlanta également jumelée avec la capitale d’Airbus.
« Les temps sont difficiles, mais on ne baisse pas les bras et on a envie d’être heureux ! »annonce Yves Bounan.