La « méga-coalition » centrée autour de l’axe Likoud-Kadima aura été de courte durée. Les centristes du parti Kadima ne se sont maintenus que dix petites semaines au gouvernement de Benyamin Netanyahou.
Une période bien trop courte pour mettre en œuvre ne serait-ce que l’une des trois promesses qui avaient été énoncées par leur chef de fil, Shaoul Mofaz, pour justifier ce ralliement-surprise. Il était question de relancer les négociations de paix avec les Palestiniens, d’élaborer une réforme du système électoral et de mettre fin aux exemptions automatiques du service national, militaire ou civil, dont bénéficient les jeunes orthodoxes. Officiellement, c’est ce dernier point qui a provoqué le départ du Kadima, annoncé peu de temps après l’échec des négociations menées entre le ministre Moshe Yaalon, qui représentait le chef du gouvernement, et le député Yohanan Plessner du Kadima. Des négociations dont l’objectif était la rédaction d’un projet de loi visant à supprimer, ou tout au moins à fortement réduire, l’inégalité institutionnalisée permettant à tout jeune étudiant dans une yéshiva orthodoxe d’être dispensé des obligations militaires. Pour Shaoul Mofaz, et aussi pour une bonne part des observateurs de la vie politique israélienne, les propositions avancées par Yaalon, notamment la fin de l’exemption automatique à l’âge de 26 ans, n’apportaient aucun réel changement. Benyamin Netanyahou, lui reprochaient-ils, ne voulait pas se mettre à dos les formations orthodoxes, « partenaires naturels » du Likoud dans les coalitions gouvernementales, au risque de décevoir de larges pans de l’électorat traditionnel du grand parti de droite, très attachés à l’idée de « l’armée du peuple ». D’autres, moins nombreux, estimaient au contraire que c’est le manque de flexibilité du duo Mofaz-Plessner qui a provoqué l’échec des pourparlers. En chute libre dans les sondages, le Kadima avait le plus grand besoin de redorer son blason, et il avait là l’occasion rêvée de se présenter comme le champion de la cause de l’égalité des devoirs. Décisives ou non, ces arrière-pensées électoralistes prêtées au parti de Shaoul Mofaz ne lui ont pas profité. Les sondages effectuées après son départ de la coalition ont confirmé que les électeurs du centre et de la gauche modérée lui préféraient, de loin, le parti Travailliste et la nouvelle formation fondée par l’ancien journaliste-vedette Yaïr Lapid.
Instabilité partisane
L’épisode de la « méga-coalition » n’a pas été pour autant profitable à Benyamin Netanyahou. Si le Likoud et ses partenaires de l’actuelle coalition maintiennent dans les sondages leur avance sur une opposition morcelée et dénuée de leader crédible, les dernières enquêtes d’opinion ont révélé un tassement, voire un recul de la popularité du Premier ministre et de son parti. Une tendance qui s’est probablement accentuée depuis la tentative avortée de scission du Kadima, orchestrée, avec l’appui du chef du gouvernement, par l’ancien ministre Tsahi Hanegbi et le président du groupe parlementaire Likoud, Zeev Elkin . Quelques jours avant la fin de la session parlementaire d’été, la presse annonçait qu’un groupe d’au moins sept députés centristes s’apprêtait à rejoindre la coalition. Trois parlementaires de seconde zone, sortant soudain de leur anonymat, faisaient savoir leur nomination imminente à des postes de vice-ministres. Des postes qui n’existaient pas auparavant, dans un gouvernement pourtant déjà pléthorique. Une manœuvre naturellement très mal vue, tant par l’opinion que par la plupart des ministres et députés Likoud, et ce d’autant plus qu’elle s’est soldée sur un échec cuisant, une partie des candidats à la scission ayant, au dernier moment, fait volte-face. Des sept transfuges potentiels du Kadima, seuls quatre élus, confiants jusqu’au bout dans la réussite de l’opération, avaient fait publiquement acte d’allégeance au gouvernement. Or, la loi impose qu’au moins un quart des membres d’un groupe parlementaire décide de le quitter pour que la scission soit reconnue. Dans le cas du Kadima, sept transfuges étaient nécessaires.
Inquiétudes pour Netanyahou
Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de ce fiasco. Une chose, toutefois, est certaine : Benyamin Netanyahou n’en sort pas grandi. Sa détermination à élargir sa coalition, à ne pas dépendre du bon vouloir de chacune des formations la composant actuellement, dans la perspective de l’élaboration du prochain budget de l’Etat, s’est retournée contre lui. Le Premier ministre s’est impliqué dans des manœuvres de basse politique politicienne, alors même que les enjeux sécuritaires et internationaux s’accumulent : retour du terrorisme anti-israélien à l’étranger – l’attentat de Burgas en Bulgarie, six tués dont cinq Israéliens – et craintes de voir le considérable arsenal chimique syrien tomber entre les mains du Hezbollah ou des groupes djihadistes. Sans oublier, naturellement, l’épineux dossier du nucléaire iranien. Shaoul Mofaz a d’ailleurs laissé entendre que la tentative de scission sur l’aile droite de son parti avait pour objectif de faciliter l’adoption par le gouvernement, le moment venu, d’un éventuel plan d’attaque des installations nucléaires iraniennes. Tsahi Hanegbi, qui a annoncé son retour au Likoud après plusieurs années au Kadima, aurait renforcé, une fois redevenu ministre, le camp des partisans de l’option militaire. »Nous ne soutiendrons pas des aventures irresponsables mettant en danger nos enfants » avait déclaré le président du parti centriste, peu de temps après avoir retrouvé ses fonctions de chef de l’opposition. Difficile, cela dit, de croire que Benyamin Netanyahou et son ministre de la défense Ehud Barak, partisan lui aussi de l’option militaire face à la menace du nucléaire iranien, avaient un si grand besoin de l’appui d’Hanegbi et des transfuges du Kadima, pour le cas échéant faire approuver le bombardement des centrales iraniennes. Même si, en Israël, la petite politique rejoint bien souvent la grande, « Israël n’a pas de politique étrangère, mais seulement une politique intérieure » disait Henri Kissinger, il y a plusieurs décennies.