Le Dr Toledano nous livre ici le troisième volet de sa réflexion et de ses recherches sur les relations entre le texte biblique et la médecine.
On avait déjà aimé ses deux premiers livres sur « Médecine et Kabbale » et « La médecine du Talmud ». Toujours écrits dans un style clair et concis avec de nombreux renvois en bas de page, des tableaux éclairants, l’auteur de « Médecine et Bible » réussit un magnifique travail de synthèse en analysant des pans importants de la pensée juive au travers de portraits de personnages bibliques allant de Adam à Job.
Ce troisième livre appelle quelques réflexions sur le chiffre 3. Ce chiffre marque toujours une forme d’aboutissement et de maturation d’un travail élaboré.
Selon le Maharal de Prague dans son livre « Beer Hagolah », le chiffre 3 marque une forme de perfection qui vient parachever deux éléments qui semblaient contradictoires au premier abord. Le philosophe Hegel parle lui de thèse-antithèse-synthèse. La synthèse étant toujours réalisée par un troisième élément réalisant l’unité entre deux extrêmes.
C’est ainsi, nous dit le Maharal que les patriarches sont au nombre de 3 : Abraham, Isaac et Jacob. Jacob étant défini comme le patriarche central faisant la synthèse entre les qualités d’Abraham et d’Isaac ; c’est lui qui donnera naissance au peuple juif.
A l’appui de sa thèse, le Maharal cite un passage du traité Shabbat : « Béni soit l’Eternel qui a donné une Torah triple (5 livres du pentateuque, livre des prophètes et récits hagiographiques) à un peuple constitué de 3 entités (Cohen, Levi, Israël) à l’aide du prophète Moïse (troisième de sa fratrie après Aharon et Myriam), le troisième jour dans le troisième mois après la sortie d’Egypte ».
Le chiffre 3 est un lieu d’élection exprimant la centralité des choses.
Deux idées maîtresses guident ce travail : la prévention et l’espérance.
– Pour la prévention, le Dr Toledano cite un verset de l’exode du chapitre 15 verset 26 : « Si tu écoutes bien la voix de l’Eternel, tu feras ce qui est droit à ses yeux ; et tu prêteras l’oreille à ses préceptes et garderas toutes les lois, toutes les plaies dont j’ai frappé l’Egypte, je ne les mettrai pas sur toi, car je suis l’Eternel ton médecin. »
Selon la formulation de ce verset, Dieu tient à nous rappeler qu’il est notre médecin. Mais quel est donc le but de cette information, s’il est précisé juste avant qu’il ne nous enverra pas de maladie ?
Rachi apporte le commentaire suivant « je suis Dieu ton médecin qui signifie je t’enseigne mes préceptes afin que ta vie en soit préservée ». Ainsi la fonction initiale du médecin, selon le texte biblique est une fonction préventive. Cette idée est d’une actualité, d’une modernité brulante. Les anglo-saxons nous disent « to care » (prévenir) avant « to cure » (soigner).
C’est ainsi que la sécurité sociale en France vient de décider de rembourser des séances de sport préscrits par un médecin dans certains contextes ; à titre préventif.
– Pour l’espérance, dans le livre de l’exode (chapitre 21), il est question d’une expression « vérapo yérapé » qui signifie « et guérir il guérira ». De quoi parle-t-on ?
Le Talmud admet que c’est de ce passage que l’on apprend l’autorisation donnée au médecin de soigner. Mais pourquoi cette redondance de termes ? (vérapo yérapé)
Lors d’un entretien télévisé entre l’auteur du livre et Josy Eisenberg ; ce dernier fait remarquer que cette redondance du mot guérir est la preuve que la fonction du médecin est de soigner et de jamais condamner son patient. « Et guérir il guérira » : le deuxième élément de l’expression est au futur car le médecin envisage toujours une guérison possible.
Cette notion est fondamentale à rappeler, dans un monde médical régi par des statistiques qui visent parfois à refuser certains protocoles thérapeutiques à des patients. Il n’est absolument pas question d’acharnement, mais de donner de l’espoir…
« Soigner c’est donner de l’espoir à ceux qui sont malades », nous dit Ariel Toledano dans son introduction.
« Pour trouver la force d’exercer mon métier, être pleinement à leur écoute, j’ai besoin de renouveler cette étude émerveillée des textes de la Bible qui refusent toute forme de résignation. »
Au travers d’une règle grammaticale, « le Vav hahipoukh » (lettre Vav dite conversive) qui vise à transformer un verbe au passé en un futur où le verbe dans une phrase exprime en même temps le passé et le futur, l’auteur nous invite à concevoir l’avenir uniquement en étant conscient que nous n’existons que grâce aux acquis de ceux qui nous ont précédés.
Exprimer le futur en incluant le passé est une forme d’hommage à notre histoire. Le juif, au quotidien, en se confrontant au texte biblique et talmudique (écrit il y a plusieurs milliers d’années), essaye d’éclairer sa vie en tirant des enseignements du passé.
Le médecin juif n’échappe pas à cette règle.