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Cinéma

Paradis. Huis clos pour trois âmes

Paradis, le nouveau long métrage du réalisateur russe Andreï Konchalovsky, décrit le parcours de trois destins qui se croisent lors de la Deuxième Guerre mondiale. Trois personnages qui témoignent de leurs actes durant cette période.

 

Dans l’attente d’un jugement divin, ils invoquent tour-à-tour un paradis perdu, idéalisé, ou retrouvé qui ne cesse de hanter leur mémoire. Un lieu fantasmé qui suivant les époques et les hommes qui l’invoquent peut se transformer en enfer sur Terre. Andreï Konchalovsky, par ce film, donne aux spectateurs matière à réfléchir sur le danger d’un potentiel déni et refus de la Shoah. Paradis a été récompensé par le lion d’argent du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise en 2016. Il est visible ce mois-ci sur les écrans français.

Tout d’abord il y a Jules, ce fonctionnaire de police, père et mari aimant, qui est interprété par l’impeccable Philippe Duquesne aussi bien à l’aise dans son costume trois pièces que dans le salon de sa maison bourgeoise à lire le journal. Il est ce chef respecté et appliqué qui exécute les basses procédures que lui ordonne le régime de Vichy. Un jour, il interroge Olga Kamenskaya (Julia Vysotkaya) une aristocrate russe émigrée en France qui devient résistante dès 1941. Elle est accusée d’avoir permis la fuite d’enfants juifs cachés lors d’une rafle dans son immeuble à Paris. Elle risque la déportation. Jules réfléchit au sort qu’il va réserver à cette femme jusqu’au moment où Olga propose de s’offrir à lui.

Le troisième personnage est Helmut (Christian Clauss) un jeune homme lettré et distingué issu de la noblesse allemande. Lors d’une soirée dans l’entre-deux-guerres il croise Olga et tombe vite sous son charme. Quelques années après, Helmut se retrouve dans la pénombre du bureau d’Heinrich Himmler. Ce dernier lui annonce que sa candidature au corps des SS a été retenue. Himmler confie alors au jeune officier sa vision glaçante d’un Éden version 3ème Reich réservé aux Übermensch et lui offre en symbole de ralliement une bague gravée des initiales du Reichfürher en personne. Helmut sort de cette rencontre exalté et se persuade de l’importance de cette mission d’un autre ordre. Il est envoyé pour prendre la direction d’un camp d’extermination où il y retrouve Olga qui tente par tous les moyens d’y survivre.

Konchalovky, scénariste de la première heure pour le réalisateur russe Andreï Tarkovski sur des films comme l’Enfance d’Ivan (1962) ou Andreï Roublev (1969) opte dans Paradis pour un récit éclaté. Filmé en noir et blanc avec une photographie impeccable et grâce à la qualité d’une reconstitution historique exigeante, le film est imprégné de l’esthétique des années 40. L’environnement sonore quasi silencieux, sans musique, renforce l’impression générale de confinement.

Les scènes de confessions sous la forme d’interrogatoires, avec coupes et sautes de montage, se rapprochent d’un style quasi-documentaire voire du film d’archives. Mais ce souci du détail interroge ou déroute car Andreï Konchalovky tend plus à démontrer qu’à suggérer. Les sentiments comme la culpabilité, le doute, le remords, ou le traumatisme que parviennent à endosser les trois comédiens s’effacent parfois au profit d’une exactitude d’unité de temps et de lieu un peu systématique.

Abandonnant tout effet spectaculaire, la démarche du réalisateur qui vise à décrypter le ressenti et les émotions des personnages plongés dans la tourmente de la guerre fonctionne néanmoins. Paradis se focalise sur les racines d’un mal tapis dans les ruines du siècle dernier. Ce travail de mémoire avertit les spectateurs afin de ne pas oublier les tragédies d’hier et de réfléchir sur les actuels signes avant-coureurs d’amnésie. Des interrogations louables qui nous mettent plus que toujours en alerte.

Paradis, un film d’Andreï Konchalovsky.

Sortie dans les salles le 15 novembre.