Les multiples facettes d’une ville qui est celle de la première bande dessinée, mais aussi celle d’Albert Cohen et Edmond Fleg.
Genève et sa propreté légendaire, où pas un papier, si ce n’est un reçu, ne peut être trouvé sur le trottoir. Que ce trottoir soit en face d’une banque ou de l’autre côté de la rue en face d’une horlogerie, que l’on rejoint en mâchouillant une barre chocolatée produite par un groupe dont les pratiques sont loin de faire l’unanimité en matière de respect de l’environnement. Et chaque commerce, autre que ceux qui vivent au rythme de la célèbre horloge fleurie du Jardin anglais de Genève, répond à cette même notion de temps bancaire. Les groupes financiers possédant telle enseigne et accueillant sans trop de discernement les pétrodollars et autres monnaies en voyage de noces avec une matière première.
On peut s’y sentir comme Scipion, le personnage pagnolesque d’Albert Cohen dans Mangeclous, se promenant dans la ville à la recherche de chaleur humaine. Il tente de sympathiser avec les badauds et surtout ses frères des mers du Lac Léman en leur racontant les exploits romancés de son navire, « La flamboyante ». Mais l’accueil est quelque peu hostile et méprisant à l’égard de cet interrupteur de silence.
Il est effectivement tentant de ne voir Genève qu’à travers ces facettes. Mais la ville est bien plus complexe qu’il n’y parait aux seuls habitués du Financial Times et des journaux à scandales. Avec le temps, cette ville s’est réchauffée, métissée, réconciliée avec la nuit et peut même servir de modèle en matière de vivre-ensemble.
Depuis bien longtemps, Genève est un havre d’idées en tous genres. D’un côté les institutions telles l’ONU ou la Croix-Rouge, mais aussi la ville de Calvin et d’autres iconoclastes tels Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Terry Southern et Edmond Fleg.
Plus surprenant, ce fut en ce lieu que fut créée la première bande dessinée, par Rodolphe Töpffer (1827). Pour la première fois, textes et dessins se répondent plutôt que s’accompagnent, créant avec cette dialectique le neuvième art. Certes, les vendeurs de bd, malgré les vitrines cinématographiques de la vague Marvel, ont du mal à tenir aujourd’hui. Les mêmes nostalgiques qui voient les magasins de la rue Dante à Paris se transformer en burger bars, regrettent à Genève la librairie Chlorophylle à la devanture verte qui trônait devant l’arrêt de tram Terrassière. Et le marché aux puces de Plainpalais recèle de moins en moins de trésors dans cet art.
Genève l’iconoclaste
La naissance d’un art aussi contestataire que la bande dessinée n’est pas un one shot. Genève a su donner naissance et accueillir à travers les époques des empêcheurs de tourner en rond et en précision, quitte à offenser ses horlogers. Tout particulièrement dans son université. Créée sur le tard (1874) comparée à celles des autres grandes villes suisses, l’Université de Genève avait un besoin pressant de remplir ses amphis et fut aidée par un bouleversement géopolitique à des milliers de kilomètres de là, comme le rappelle l’historien Jean Plançon : « L’empire russe rentre alors dans une phase dite réactionnaire où toute une génération naissante de jeunes intellectuels cherche à s’instruire. Le manque d’infrastructures universitaires au sein de l’Empire pousse donc ces jeunes gens à se diriger vers les académies occidentales au sein desquelles bien sûr Genève offre des capacités d’accueil. »
L’historien note aussi un bouleversement helvétique qui motivera d’autres arrivées : « La Suisse est la première nation à accorder aux femmes le libre accès aux études supérieures sans restriction, motivant de nombreuses étudiantes de l’Empire russe. Le succès est tel que l’académie de médecine comptera jusqu’à 90 % d’effectifs féminins entre 1900 et 1910. » Le nombre d’étudiants juifs de l’Est, en grande majorité de conditions très modestes, est lui aussi très élevé à cause des restrictions dans les universités de leur pays d’origine.
Ainsi, ils constitueront jusqu’à 80 % des étudiants russes, lesquels représenteront jusqu’à 65 % des étudiants de l’université. Parmi eux, Lina Stern, la première femme professeur à l’Université de Genève, une spécialiste de renommée mondiale du cerveau. Haïm Weizmann y enseigna la chimie.
Jean Plançon est reconnu aujourd’hui comme le grand spécialiste de l’histoire des juifs de Genève. Ses livres permettent de présenter l’évolution de la communauté genevoise et de partager sa mémoire. Dans une série sur ce thème préparée pour la RTS (et disponible sur internet) il raconte comment il vint à s’intéresser à ce sujet : en visitant le cimetière de Carouge, où reposent les fondateurs de la communauté juive de Carouge et de Genève. « L’existence même de ce cimetière juif vers la fin du XVIIIe siècle, sur ce petit territoire sous tutelle sarde, montre l’extraordinaire esprit de tolérance religieuse qui a régné dans cette partie du royaume, alors que dans le même temps Genève interdit toute présence juive dans sa cité depuis 1490. La singularité politique de cette cité eut par la suite un impact et des conséquences lorsque Carouge fut réunie à Genève en 1816. Sans cette présence juive à Carouge, Genève n’aurait sans doute jamais accepté leur retour sur ses terres, ou tout du moins, pas avant 1874, date de leur émancipation au niveau fédéral. »
D’ailleurs, comme le souligne Anita Halasz, Responsable des activités culturelles à la Communauté Israélite de Genève (CIG), « le plus ancien quartier juif fermé d’Europe, créé en 1428 (soit 88 ans avant celui de Venise) sous la dénomination de « Cancel » se situait sur la place du Grand Mezel en Vieille Ville. Les juifs y ont été confinés jusqu’à leur expulsion de Genève en 1490. Une motion, soutenue par de nombreux partis, a été déposée auprès de l’exécutif municipal il y a quelques mois pour que les autorités genevoises apposent une plaque à cet endroit pour faire « œuvre de mémoire ». La procédure est en cours. »
La Vieille Ville se trouve sur une petite colline entre les rues commerçantes d’un côté et l’université et les lieux culturels de l’autre. Difficile d’accès en voiture, elle fait le plaisir de ceux qui veulent s’y perdre dans les petits cafés et mystères architecturaux. Place du Grand Mezel, vous descendez vers le parc des Bastions et 200 mètres plus loin vous tombez sur la Grande synagogue Beth Yaacov, symbolisant la reconnaissance « officielle » de la communauté à Genève au XIXe siècle.
La mise en valeur de cette histoire est une des tâches importantes à laquelle s’attelle la CIG, comme le souligne son président, Philippe A. Grumbach : « Nous souhaitons permettre de (re)découvrir des pans de l’histoire genevoise souvent occultés dans les manuels d’histoire. De même, une grande partie de nos membres vivent à Genève depuis seulement une ou deux générations et n’ont pas toujours conscience de cette histoire. Dans cette optique, nous organisons des visites guidées portes ouvertes de la synagogue Beth Yaacov. »
Partage de mémoire
En ce qui concerne la transmission de la mémoire, un grand travail est effectué par la CIG, comme le précise Philippe A. Grumbach : « Un défi majeur actuel est la disparition des derniers survivants, moment charnière où la « deuxième génération » devient à son tour « porteuse de mémoire ». Afin de préserver cette mémoire sur le plan communautaire et dans la Cité, nous commémorons chaque année Yom Hashoah. De plus, nous oeuvrons sur le plan pédagogique à travers la Coordination Intercommunautaire contre l’Antisémitisme et la Diffamation, en partenariat avec le ministère de l’Éducation genevois et avons créé un groupe de dialogue autour de la condition de « deuxième génération » très actif depuis trois ans. »
Yom Hashoah est l’occasion d’affirmer la bonne entente entre différents courants. Traditionnalistes et libéraux participent ensemble aux grandes manifestations culturelles et sociales de Genève. Au niveau du travail de mémoire aussi, les relations sont fréquentes. « Un rescapé d’Auschwitz est venu à Genève pour témoigner dans les écoles de Genève. Cette année il est venu au GIL et il sera présent chez un autre courant l’année prochaine. Les uns étant invités chez les autres », indique le rabbin François Garaï.
Il n’est pas simple d’aborder le sujet de la Shoah concernant la Suisse. Notamment le rôle de la Croix Rouge et des institutions internationales, peu vocales et encore moins actives sur ces sujets. Concernant la Société des Nations, Albert Cohen nous a offert des pages savoureuses sur son « influence réelle » sur les conflits. Tel le passage de Mangeclous où le diplomate de la Société des Nations explique à Scipion que lorsqu’une guerre est déclarée, son action immédiate est de « souffrir ». Puis de constituer un dossier, de pondre un communiqué bien aimable pour la presse, de mettre en place une commission et d’émettre une recommandation puis des vœux qui n’offenseraient pas trop le bourreau…
Jean Plançon a consacré une partie de son deuxième ouvrage à l’attitude de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. Combien de réfugiés le pays a-t-il accueilli ? « Les dernières études s’accordent à dire qu’environ 25 000 juifs ont pu bénéficier d’un asile en Suisse, dont une moitié a pénétré par la frontière franco-genevoise, celle-ci étant la plus perméable des frontières helvétiques », nous affirme-t-il. Combien y a-t-il eu de refoulés ? « Le chiffre fait toujours l’objet d’un âpre débat. Les tenants du rapport Bergier, comme l’historien Jacques Picard, maintiennent un chiffre autour de 30 000 refoulés à la frontière, alors que Ruth Fivaz-Silbermann, soutenue par Serge Klarsfeld, estime que 3 000 juifs tout au plus ont été refoulés. Le jugement sur l’attitude du gouvernement suisse durant la guerre est du même ordre, autrement dit très partagé. Mais il en est de même en ce qui concerne l’attitude, quelquefois critiquée, des juifs suisses à l’égard de leurs coreligionnaires au cours de cette même période.
Il ne faut pas, en effet, oublier de tenir compte de la spécificité politique helvétique qui repose en bonne partie sur des législations cantonales. En l’espèce, et durant la guerre, nombreux ont été les cantons qui se sont refusés à appliquer stricto sensu les directives fédérales… beaucoup plus restrictives. À l’intérieur même des cantons, les fonctionnaires ne se sont pas toujours montré aussi « exemplaires » que l’autorité administrative l’aurait souhaité. De fait, ici aussi, les attitudes et les actions sur le terrain vont se montrer quelquefois diamétralement opposées.
Les juifs eux-mêmes vont être confrontés à de douloureux dilemmes, alors que leur émancipation tant désirée est le fruit d’un long et difficile combat en Suisse. Pour certains, par peur de voir leurs droits remis en cause, leur attitude deviendra plutôt complaisante à l’égard des autorités suisses. Cela entrainera de vives tensions au sein des différentes communautés juives, au point que des structures comme le FSCI seront sérieusement critiquées. L’attitude complexe de la Suisse n’est donc pas toujours considérée comme noire, car les réfugiés qui ont pu s’y établir ont bien sûr une perception différente, eux qui ont eu la vie sauve grâce à l’accueil de ce pays. »
La période d’après-guerre voit deux bouleversements, à la fois sur la population et sur l’affiliation aux courants religieux. De 1778 à 1940, la majorité des juifs de Genève sont originaires d’Alsace ou du sud de l’Allemagne. La décolonisation provoque la venue des sépharades, lesquels n’étaient que très minoritairement représentés par des juifs originaires de Turquie. En 1965, les communautés ashkénazes et sépharades fusionnent. Dans les années 80, un petit mouvement Habad s’y installe mais ces années marquent surtout l’essor du mouvement libéral.
François Garaï, né à Paris en 1945, et rabbin de la Communauté juive libérale de Genève-GIL depuis 1970, nous raconte son parcours : « Une communauté de langue anglaise a été créée dans les années 60. Elle s’est développée avec un Talmud torah et des offices de fêtes. En 1968, elle cherchait un rabbin parlant anglais et français. Étant le seul candidat à maîtriser ces deux langues, j’ai été recruté à ce poste pendant deux ans. Le 1er septembre 1970, on s’est lancé avec 15 personnes dans une aventure afin de voir si une communauté libérale francophone avait une raison d’être et un avenir à Genève. Puis, ma belle-mère, vice-présidente de la Wizo à Paris, nous a permis d’établir des contacts avec la Wizo de Genève, des membres de la communauté traditionnelle, proches du rabbin Safran. » Des contacts facilités aussi par sa formation personnelle avec les courants libéraux et traditionnels, du Hebrew Union College à la yeshiva du Rav Kook.
La luminosité de Philippine Lambert
Le GIL représente aujourd’hui un tiers des juifs genevois. C’est aussi la première synagogue libérale francophone à avoir fait monter des filles à la Torah lors de leur bat-mitsva, affirmant donc son identité sans ambiguïté. « Notre communauté est totalement égalitaire, souligne le rabbin Garaï, les honneurs sont partagés entre hommes et femmes. L’essor est aussi dû à cette clarté. Les gens comprennent que nous ne sommes pas une version « orthodox light » où chacun pioche, mais des libéraux affirmant que la tradition a évolué et qu’elle peut continuer sur ce chemin. »
Parmi ces bnot-mitsva, François Garaï se souvient de Philippine Lambert, à la mémoire de qui un sidour a été édité par sa mère. « Philippine et son frère Henri ont étudié au GIL. Philippine est restée très attachée à notre communauté et venait passer les fêtes avec ses parents. » Philippine avait été victime d’abus sexuels de 11 à 14 ans par un proche de la famille. Son combat juridique permit aux lois suisses d’évoluer en la matière, la prescription pour ces crimes n’étant alors que de cinq ans après les faits.
Au-delà du choc que ce procès provoqua à Genève, le courage de Philippine permit de sauver de nombreuses jeunes filles grâce à la prescription qui doubla. Mais la libération de sa parole à 20 ans fut trop dure pour elle à supporter. Le rabbin Garaï fut celui qui présida la cérémonie à Bruxelles, où Philippine est enterrée. « Ça a été un très grand choc. Je n’étais pas du tout au courant de ce dont Philippine avait été victime. J’ai été bouleversé. C’était une jeune fille lumineuse et d’une extrême gentillesse. Et très ancrée dans sa judéité. Cela faisait partie de son identité. »
La population juive de Genève était composée de 1 100 personnes en 1900. Aujourd’hui, on estime ce chiffre à 6000. Elle serait sur le point de dépasser Zurich. La volonté des différents acteurs du judaïsme genevois de partager la mémoire de la ville et de la faire (re)vivre se manifeste par l’organisation d’événements, notamment autour de la Journée Européenne de la Culture Juive.
Lors de l’édition de 2015, la CIG a présenté un très beau moment de communion entre époques et populations dans la Grande synagogue Beth Yaacov. « Elle était pleine à craquer, souligne Anita Halasz, de gens de diverses origines culturelles et religieuses venues assister à un spectacle de Musicalligraphie. Ce dernier a rassemblé des calligraphes et musiciens juifs, musulmans et chrétiens qui jouaient de la musique juive et arabo-andalouse, pendant que deux calligraphes créaient une œuvre commune de calligraphie hébraïque et arabe projetée en direct sur un écran pour que le public puisse suivre leur travail en direct. »
La réalité genevoise est donc bien plus complexe que ses vitrines financières. Albert Cohen, dont nous citions quelques passages de Mangeclous, est arrivé à Genève à l’âge de 19 ans. Dans ce même esprit d’ouverture, il représente pour Anita Halasz une des personnalités majeures de l’histoire culturelle juive genevoise. « Son œuvre d’écrivain a été fortement influencée par ses racines juives ; c’était aussi un activiste politique dont l’engagement en faveur du sionisme a été profond et un diplomate qui a été à l’origine de la création du passeport pour apatrides. Avec son ouverture sur le monde et ses convictions humanistes, Cohen s’est profondément ancré dans le terreau de la « Genève internationale ». »
Le principe abrahamique de Josseline Amoïel
Genève accueille de nombreux diplomates et se trouve au cœur de tensions politiques et commerciales. La ville accueille aussi de nombreux enfants de diplomates et hommes et femmes d’affaires venus des quatre coins du monde. Ainsi que des immigrations de gens plus modestes de l’Europe méditerranéenne, d’Albanie… Pourtant, l’importation des conflits y est quasi-nulle, en dépit de la volonté de quelques « penseurs » censeurs minoritaires. Cela n’est pas le fruit d’une raison supra-étatique mais d’une philosophie de vie particulière à Genève.
Cet exemple fut très bien illustré dans ce qui risquait de devenir la « Troisième Guerre mondiale », si on rabâchait les termes utilisés par les « chaînes d’information » qui vécurent à ce moment leur heure de grande écoute à défaut de gloire. C’est ainsi que fut présentée la Première Guerre du Golfe en 1990. Mais cela ne changea pas trop le quotidien des jeunes Genevois issus de ces pays. Certes, les enfants d’Américains, d’Irakiens, de Saoudiens, d’Israéliens… avaient peur pour leur famille, mais les écoles et soirées extra-scolaires offrirent des moments de solidarité métaconfessionnelle.
Des retrouvailles où les conversations restaient celles d’ados de leur âge, plus divisés entre fans de Pacino d’un côté et de De Niro de l’autre ou de pro-aprem au Pub Nelson, face aux pro-soirée à la boîte du Arthur’s, qu’entre pro-Américains et pro-Irakiens. Cette non-importation de conflit est aussi un travail de mémoire, celui de ne pas revivre les divisions et tensions du pays d’origine. Et c’est particulièrement vrai pour la diaspora libanaise, issue d’un pays géopolitiquement similaire à la Belgique des deux derniers siècles, transformé en « champ de bataille » des conflits entre les puissances voisines.
Le 18 janvier 2018, Genève perdit un des grands personnages représentant l’élan fraternel de la ville : Josseline Amoïel. En 1990, tandis qu’Américains et Irakiens peinaient à se retrouver autour d’une table, à l’image d’autres belligérants avant et après, la table de shabbat de Josseline accueillit tant de jeunes Genevois, une grande partie étant issue du Liban, de Syrie, d’Arabie saoudite et d’Afrique de l’Ouest. Pas par prétention diplomatique, mais parce qu’ils étaient les amis de ses enfants et/ou les enfants de ses amis.
Des moments marquants, surtout pour certains de ces jeunes qui y passaient le week-end et étaient en pension à l’École Internationale ou Florimont où étudiaient les trois fils de Josseline : Romain, Gregory et Benjamin. Le judaïsme de leur mère était comme ils le disent, « une volonté de perpétuer la tradition de ce qu’est ou devrait être la religion. De l’amour pour les autres à travers l’ouverture et l’acceptation du partage. Le partage de son repas mais aussi de son chez-soi et toujours plus avec le partage de ses moyens, biens et même de son bienêtre pour qu’il puisse se diffuser chez les autres afin de les rendre plus heureux. »
Le principe abrahamique d’accueil n’était pas béat, mais exigeant. Exigeant de justesse et de partage. Comme une enveloppe protectrice qui encourageait les retrouvailles et le développement d’individus issus de quelque part et surtout présents tel soir autour de sa table. L’exigence qu’elle s’imposa en étant la colonne vertébrale familiale et professionnelle, en ouvrant et gérant des magasins de mode, rue du Rhône, avec son mari.
Ayant une mère Française et un père Algérien, membre de la Résistance, c’est avec enthousiasme qu’elle retourna régulièrement en Algérie. Elle y milita pour les droits des femmes et au sein d’associations aidant les enfants victimes de mines. Manifestant un attachement à Israël dès l’adolescence, elle favorisa de nombreuses rencontres avec des personnalités politiques de pays voisins. Mais sa dernière destination de cœur fut le Togo, où habite son fils Gregory. Une terre qui lui a donné son premier petit-fils, Josh.
Lors de sa lutte contre la maladie à l’hôpital, ses fils établirent une carte du monde des centaines de lumières provenant de 35 pays où des proches lui témoignèrent soutien et amour. Des lumières projetées sur Genève et qui montrent là aussi que cette ville attire plus de projecteurs qui la mettent en valeur que l’on imagine.