Il y a une trentaine d’années, de nombreux vieux ashkénazes se retrouvaient au petit parc jouxtant la mairie du 3e arrondissement de Paris. Ils parlaient de leur quotidien, du quartier et des souvenirs. Aujourd’hui, on retrouve de nombreux vieux chinois qui sont assis sur les mêmes bancs et s’adonnent aux mêmes discussions. Une autre génération, une autre population, mais la même manière de tenir des petits rôles sur la grande scène qu’est la ville de Paris.
À quelques pas de là, rue Mandar, trois frères et sœurs se réunissent tant bien que mal pour l’enterrement de leur mère dans un 48 m2 qui a accueilli cette famille ashkénaze il y a bien longtemps. En guise de cadeau d’accueil, une jeune fille espagnole donna à leur mère des boucles d’oreilles africaines. Objets et gens du voyage, mobilier ou céleste, les histoires se transmettent et se reproduisent sans tenir compte des frontières du temps et de l’espace. Et c’est lorsque l’on croit les souvenirs enfouis et les pierres dénudées de leur papier peint se taire que tout reprend vie.
Les sociologues ont longuement analysé la mort et les rituels consacrés à l’événement, lesquels permettent aux vivants de surmonter cela. En arrivant chez sa mère après l’enterrement, Charles (Richard Berry) s’assoit par terre à côté de ses sœurs Emma (Sandrine Kiberlain) et Rosemonde (Emmanuelle Devos) et reçoit un œuf dur symbolisant le moment difficile qu’ils traversent. Mais le rituel commencera vraiment une fois la cérémonie terminée. Les souffrances rebondissent dans chacun des trois personnages, confrontés à d’autres difficultés et aux jugements souvent sévères des deux autres. Tout disjoncte, pour remettre enfin un peu d’insouciance ou de stabilité selon le besoin de chacun, avec l’aide de leurs conjoints interprétés par Lionel Abelanski, Emmanuelle Bercot et surtout ce retour vers le futur que permettra Mehdi Nebbou. À noter également les seconds rôles hilarants de Micheline Presle, Jackie Berroyer et Michel Jonasz.
Le tout forme un beau portrait de l’amour et de l’angoisse qui alimentent une vie de famille et surtout le liant si important des anciens. Idit Cebula, dont c’est le deuxième long-métrage, dédie d’ailleurs ce film à ses parents. Un moment de poésie qui nous rappellera qu’il ne faut jamais enlever les balançoires qu’on accroche entre les portes d’un appartement aussi petit soit-il, car elles sont le garant de l’enfance qui ne s’abandonne jamais totalement.