Tous les regards se tournent aujourd’hui vers Yair Lapid, celui qui fut déjà habitué à ce que les caméras suivent.
Si les partis de droite arrivent en tête, ils devront s’appuyer sur une coalition élargie afin de pouvoir diriger confortablement le pays. Et à nouveau, le bateau amiral de la Knesset devra se recentrer pour éviter de tanguer face aux défis économiques, diplomatiques et militaires qui attendent Israël.
Et cette introduction se répète depuis plus de trente ans. Pendant les trente première années de l’indépendance d’Israël, le concept de centre n’avait aucun intérêt, n’évoquait aucune opportunité aux électeurs. Cela, car le centre du pouvoir se trouvait au parti travailliste, dans toutes les strates de la société. En 1977, Menahem Begin, le fondateur du Likoud, réussit à réunir les mécontents du système, le vote sépharade, les déçus de la gestion de la Guerre du Kippour et ceux qui souhaitaient tout simplement changer de dirigeants. Le parti Mafdal, représentant le courant religieux sioniste, qui était alors habitué à participer aux gouvernements travaillistes en se focalisant sur des exigences liée au culte, marqua des positions plus définies concernant le conflit régional.
Mais on nota aussi la présence forte du Mouvement démocratique pour le changement mené par Ygal Yadin. Cet ancien chef d’Etat-major s’imposa au centre de l’échiquier et permit aux déçus des deux grands partis ainsi qu’à des personnalités non issues des partis, de militer pour l’introduction d’une constitution. Il obtint quinze sièges. N’ayant pas de besoin vital de forger une alliance pour gouverner, Menahem Begin laissa cet « homme providentiel » s’en aller de la vie politique en moins d’un an.
Le traité de paix avec l’Egypte, les crises économiques et l’évolution de la situation avec les Palestiniens, changèrent la donne sur la notion de centre. Différents partis tentèrent de l’incarner, moins pour des raisons politiques que politiciennes. Ainsi, le parti Shas, né d’une lutte au sein du mouvement orthodoxe lithuanien, afficha sous la direction du Rabbin Ovadia Yossef, l’ambition de représenter les sépharades qui seraient déçus par les partis sionistes et par les mouvements orthodoxes. Il permit à Yits
hak Rabin de former une coalition en 1992 et de mettre en œuvre les accords d’Oslo. Miné par des accusations judiciaires, le parti Shas s’accrocha néanmoins au pouvoir en intégrant le gouvernement Netanyahou en 1996 et en soutenant le retrait de la ville de Hébron, en échange de la promesse d’une aide politique concernant le procès de son leader Aryé Déri.
Lors de ces élections, deux slogans s’affrontèrent, ceux de Shimon Pérès et de Benjamin Netanyahou, l’un promettant la paix avec la sécurité et l’autre la sécurité avec la paix. Pour la première et unique fois, on vota séparément pour la Premier ministre et pour le parti politique. D’où l’inspiration du slogan le plus drôle de la campagne, celui d’Avigdor Kahalani, ex-travailliste qui tenta avec la Troisième voie d’incarner le centrisme : « Si vous votez pur Pérès ou Netanyahou en tant que Premier ministre, autant utiliser l’autre vote pour marquer votre réelle préférence, car voter pour Avoda ou le Likoud une deuxième fois reviendrait à mettre du pain dans une pita. »
Depuis, le seul qui réussit à incarner un centrisme actif, fut Ariel Sharon, pourtant un des fondateurs du Likoud, mais aussi préalablement un homme de gauche, en arrivant en tête des élections en 2006 avec le parti Kadima. Le seul qui prit une décision diplomatique d’importance majeure avec le retrait de Gaza, depuis celui commandé par Ehoud Barak au Liban. Ce qui arriva ensuite à Sharon et les différents conflits avec le Hezbollah et le Hamas empêchèrent toute avancée claire dans un sens ou un autre.
Néanmoins, aujourd’hui, suite aux bouleversements régionaux, à l’impatience économique de la rue israélienne et diplomatique de Washington, le prochain gouvernement sera face à des choix difficiles, voir décisifs. Et le rôle d’un parti du centre risque d’être déterminant pour installer un gouvernement qui irait de Lapid à Bennett et encore plus de Netanyahou à Yehimovitch. Yair Lapid réussira-t-il à se débarrasser d’une image ambiguë et populiste, incarnant un simple désir de protestation contre « l’Establishment » en soutenant ou proposant des choix déterminants ? Telle est la deuxième question qui attend au tournant des négociations sur la formation du prochain gouvernement.