Kinamon est une toute jeune fondation, abritée par la Fondation du Judaïsme Français, qui souhaite développer l’aide aux personnes isolées et mener des actions pour favoriser l’accès du plus grand nombre à la musique
Propos recueillis par
Josyane Savigneau
Avant de créer votre fondation, Kinamon, étiez-vous déjà engagée dans des actions d’entraide, de philanthropie ?
Dans ma famille, on a toujours prêté attention aux autres. J’ai toujours entendu dire que, même dans les camps, ma grand-mère maternelle, dans la mesure du possible, aidait les autres, ou en tout cas était présente pour beaucoup. A l’école, depuis petite, je m’occupais souvent de ceux qui étaient laissés de côté. Nous avons toujours essayé de soutenir des familles en difficulté, ou des personnes isolées, et pas seulement en faisant des dons. A la synagogue de Blanc-Mesnil nous avons financé les travaux de rénovation de la salle de réception, ce qui a ensuite permis au centre communautaire de la louer.
Nous nous sommes occupés d’un enfant orphelin, pendant trois ans, de la 6e à la 4e – qui était dans la classe de ma fille aînée. Nous avons financé des cours particuliers de soutien scolaire, des cours de sport et l’avons emmené en vacances avec nous. Il est maintenant en Israël et est un jeune homme bien équilibré.
Pour moi la philanthropie n’est pas que donner de l’argent. C’est donner du temps et si besoin de l’attention, voire de l’amour.
Donc, pour vous, il était logique, dans la droite ligne de tout cela, de créer une fondation.
Oui, ça me permet d’organiser ce que je faisais de façon naturelle, de structurer les choses. Et, par ce biais, de pouvoir également m’ouvrir à beaucoup plus de possibilités, de faire des rencontres et de bénéficier d’un encadrement.
J’ai donc créé cette fondation, avec mes trois filles, qui ont 23, 26 et 28 ans.
Pourquoi avoir choisi d’être abritée par la Fondation du Judaïsme Français ?
J’ai regardé la liste des fondations abritantes, et il m’a paru logique d’aller vers la FJF. Je faisais déjà des dons à des fondations abritées par la FJF. Je suis ravie de mon choix, car l’équipe est efficace et motivée. Ils m’ont déjà mise en contact avec d’autres fondateurs. Il est en effet inutile de tout recréer dans un projet si on peut s’adosser à une autre fondation ou une association ayant le même objet. Ces échanges sont très enrichissants, intellectuellement et humainement.
J’ai une autre fondation, Cynamon, abritée par la Fondation de France. Il y a là pour moi une complémentarité, qui me permet de diversifier mes actions.
Kinamon est une jeune fondation, elle a un an, mais elle a déjà entrepris de nombreuses actions.
Mes objectifs ont deux axes majeurs, l’aide aux personnes isolées, en difficulté, voire malades. Et la musique. Je pense que le fait que je sois médecin fait que je suis plus sensibilisée aux besoins humains. La fondation est dans la lignée de ma pratique médicale, mais elle va me permettre de l’exercer différemment.
Commençons par la musique. Êtes-vous, vous-même musicienne ?
J’ai été bercée depuis toujours par la musique, mon père étant un très grand mélomane. J’ai commencé le piano à l’âge de 6 ans et ai joué onze ans avant de me casser un doigt – au hand-ball. Désormais, je joue de la clarinette et du saxophone. Je fais partie de deux ateliers-orchestres de musique Klezmer. Ayant été élevée au son des comédies musicales américaines, je fais du chant et viens de débuter les claquettes. Ma fille aînée a attrapé le virus et est, entre autres, chorégraphe dans une comédie musicale. J’ai aidé son association « odyssées musicales » à payer la location de leur salle de répétition dans un lycée. Et l’argent versé à l’école était reversé à des élèves en difficulté. J’adore ce genre d’action, qui permet d’aider doublement.
J’aide à la création, à Sarcelles, d’un projet d’ateliers-concerts en direction de tous les publics.
Et puis, il y a David, qui a créé Jewsalsa TV, un lieu communautaire comme celui que j’avais moi-même imaginé. C’est comme un espace de coworking musique. On y fait des concerts, des jam, Klezmer ou autres, des ateliers de musique Klezmer ou salsa, de danse (salsa), du karaoke…Pour chaque événement, l’accès ne coûte jamais plus de 10 euros. Il organise aussi des repas de Shabbat, les vendredis et samedis, avec un coût adapté à chacun, donc parfois gratuit. Ma fondation l’a aidé à partiellement financer un studio d’enregistrement communautaire.
Ce qui me parle aussi, c’est de favoriser l’accès à la musique à des personnes qui ne peuvent pas avoir un instrument chez elles, comme installer un piano collectif. La musique permet de s’évader, est une source de joie et chacun, quel que soit son statut socio-économique devrait pouvoir accéder aux sensations magiques qu’elle procure.
Quel est votre autre motivation ?
Comme je le disais, mon autre axe majeur est en direction des personnes isolées. J’ai envie de créer des cafés ou des restaurants communautaires, voire des jardins partagés, collectifs.
Je souhaite créer des espaces où une personne, même seule, se sente bien, où elle puisse venir lire tranquillement, prendre un café, écouter de la musique ou profiter d’un moment de lecture, voire faire des rencontres.
A l’étranger, au Vietnam, nous venons de créer, avec un ami, une association dont l’objet est la scolarisation d’enfants de parents isolés et l’aide à des orphelinats.
J’ai aussi commencé à travailler avec l’institut Rafaël et le Dr Alain Toledano. Je soutiens déjà un projet sur « la peur de la récidive » et d’autres idées sont en phase de structuration, comme des projets sur le sommeil.
Ma fondation a aidé à financer la traduction d’une application aidant le sommeil des enfants : « un sommeil de marmotte ».
Ma fondation a également aidé une thérapeute à monter son projet pour aider les détenus en prison dans ce que l’on appelle la libération des traumatismes, de façon à éviter les récidives à la sortie, par le biais du yoga, de l’hypnose, de la méditation et autres thérapies.
Vous avez de multiples projets. Avez-vous un rêve ?
Organiser un concert Klezmer dans le ghetto de Venise. Et c’est en train de prendre doucement forme.
Avoir plein de beaux projets à travers la musique est une belle motivation, mais pouvoir aider concrètement à casser l’isolement de certaines personnes et les aider à redémarrer dans la vie en est encore une plus grande. Et ma fondation est là pour aider à concrétiser les projets des autres s’ils rentrent dans nos objets.