Ce que ne fut pas le scrutin israélien de 2013
A chaque scrutin général israélien est resservie la mauvaise tarte à la crème de la « crise » de la société, ou de la démocratie israélienne. Là encore, on allait voir ce qu’on allait voir ! Abstention record, défiance envers la classe politique traditionnelle, poussée religieuse, etc. Or rien ne tout cela n’arriva. Aucun parti ultra-sectoriel ou monoprogrammatique n’aura ainsi franchi le seuil d’éligibilité de 2 % des suffrages exprimés. Une tendance forte dans les années 1990 et 2000 (légalisation du cannabis, anciens déportés, défense du Golan, Pnina Rosenblum, etc.). Cette fois, en dépit du nombre important de listes déposées (34), les Israéliens votèrent rationnellement. En outre, l’abstention chuta.
Dans leur quasi-totalité, les commentateurs avaient aussi annoncé une « droitisation » voire une « extrême droitisation » de la société israélienne. Raté ! L’unique parti ultra-nationaliste laïc a disparu lors du scrutin et on a assisté à une poussée centriste sans précédent : Yesh Atid certes, mais aussi la conquête de six sièges par Tsipi Livni et le maintien de deux sièges pour Kadima. Si l’on ajoute au spectre centriste le Parti travailliste un peu remplumé, on trouve un vaste centre, certes très divisé, mais fort d’un tiers de l’ensemble des sièges.
Lors de la soirée électorale, certains journalistes de la fréquence juive ont cru pouvoir annoncer une « possible révolution ». Cela, au vu des mauvais sondages pour l’union Likoud-Beitenou. Rien n’était plus chimérique, comme l’exprima alors in situ l’auteur de ces lignes. Car même en imaginant un Netanyahou à moins de 30 sièges et un Lapid à plus de 20, en aucun cas ce dernier n’aurait pu constituer une coalition ! D’abord, atteindre la majorité absolue de 61 sièges est infiniment plus compliqué à partir de 20 qu’à partir de 30, ensuite parce qu’aucun parti religieux n’aurait obéi à un Premier ministre aussi farouchement laïciste. Et si celui-ci avait tenté une coalition exclusivement à gauche, il aurait arithmétiquement échoué à cause de la faiblesse chronique du bloc Avoda/Meretz.
Les mêmes commentateurs communautaires, rejoignant en l’occurrence ceux des grands médias, ont cru pouvoir constater une quasiparité entre blocs de gauche et de droite. Là encore, l’affirmation ne tenait pas un instant ! Comment placer en effet à gauche les 11 sièges obtenus par les listes arabes nationalistes ou islamistes, par définition trop violemment antisionistes pour être coalisables ? A l’extrême limite, le parti communiste Hadash, ponctuellement et sur un programme clairement favorable au retour aux frontières de 1967, pourrait peut-être intégrer un gouvernement. Pas les autres. Surtout, comment situer Yesh Atid à gauche alors que son leader, Lapid, a débuté sa campagne électorale dans l’implantation d’Ariel ?
« Semi-échec » et même « défaite » furent deux termes largement employés pour qualifier la situation personnelle de Netanyahou au soir du scrutin. Rares furent les premiers ministres à obtenir, à partir des années 1990, des chiffres mirifiques. Tout médiocre que fut le score du Premier ministre sortant, il lui permet d’entamer – à 63 ans – un troisième mandat. Dans un an, ill aura dépassé la longévité de son mentor Itshak Shamir à la tête de l’État (huit ans). En réalité, s’il y eut un grand perdant au sein du Likoud Beitenou, ce fut bien Avigdor Lieberman et non Benjamin Netanyahou. Dorénavant, les vraies questions qui se posent sont de trois ordres. D’abord, y aura-t-il enfin conscription obligatoire pour les haredim, conformément au souhait de la grande majorité des citoyens juifs ? Ensuite, le mode de scrutin à la proportionnelle intégrale, antédiluvien, sera-t-il modifié ? Enfin, va-t-on assister à une reprise des pourparlers israélo-palestiniens, comme le demandent Livni et Lapid ? Mathématiquement, ces trois avancées sont faisables. Mais volonté et courage politiques sont rarement affaires d’arithmétique…