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Pourquoi le sort des Kurdes laisse-t-il le monde indifférent ? Pourquoi taire leur génocide ? Pourquoi Israël est-il l’un des rares pays à les soutenir ? Et quelle place occupent les Juifs dans leur histoire ? Autant de questions auxquelles L’Arche tente de répondre.

On les trouve en Irak, en Turquie, en Syrie et en Iran, respectueux des autres religions, égalitaires avec les femmes, héritiers de l’Islam des Lumière. Ils se battent en première ligne face à l’État islamique pour leur liberté et la nôtre. Lâchés par les Américains et les Européens, les voilà donc, ces Kurdes pluriels et singuliers, une nouvelle fois seuls, abandonnés et trahis. Pourquoi ?

UN PEUPLE ET QUATRE TERRITOIRES
ENTRETIEN AVEC BERNARD KOUCHNER

L’Arche : Les Kurdes et vous, c’est une longue histoire…

Bernard Kouchner : J’ai découvert les Kurdes en 1974, lors de la première mission autonome de Médecin Sans Frontières et, depuis cette date, je ne les ai plus quittés. Mais on ne peut pas découvrir les Kurdes dans leur ensemble car ils sont tous différents. Si personne ne les a jamais véritablement comptés, on les estime à 40 millions d’individus qui constituent le premier groupe humain sans nation. Ces 40 millions de Kurdes sont répartis entre quatre pays dont les frontières ont été tracées par la colonisation: l’Irak, l’Iran, la Turquie et la Syrie. Je vois très bien le document et son fameux coup de crayon bleu, tracé à la règle. Les accords de Sykes-Picot de 1916 octroyaient le Liban et la Syrie à la France et l’Irak aux Anglais. Avec ce partage, nous avons éclaté un peuple en quatre territoires. Aujourd’hui il y a des Kurdes en Iran, plus de 7 millions ; au moins 7 ou 8 millions en Irak ; 20 millions en Turquie, et plus de 3 millions en Syrie: un peuple et quatre territoires. Ces Kurdes n’ont pas les mêmes problèmes, et ce qui s’est passé en Iran ne peut se reproduire en Irak ou en Turquie. Ils ont chacun leur spécificité.

Les Kurdes d’Iran, on n’en entend pas beaucoup parler…

Les Kurdes d’Iran, on ne les entend pas du tout. Pourtant, ils incarnèrent à un moment, un formidable espoir. Ils étaient dirigés par le chef du PDKI (Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran), Abdul Rahman Ghassemlou, un homme politique magnifique. Cet économiste formé dans les pays de l’Est, était devenu le seul capable de parler et de réunir ces groupes kurdes disséminés dans tout le Proche-Orient. En 1989, les hommes de Mahmoud Ahmadinejad, alors officier supérieur de l’unité d’élite Qods des Gardiens de la Révolution, l’ont assassiné à Vienne. Ils l’ont tué le premier jour des pourparlers de paix. Abdul Rahman Ghassemlou a eu un successeur qui a été tué lui aussi, à Berlin, par les mêmes assassins. Après eux, il n’y a pas eu d’homme de poids capable d’incarner les espoirs et les projets kurdes.

En Turquie, on compte environ 20 millions d’individus, c’est considérable sur une population de 80 millions !

Un parti kurde dominait : le PKK (Le Parti des Travailleurs du Kurdistan) dirigé par Abdullah Öcalan, en prison depuis 1999. C’était un parti très dur, marxiste-léniniste, même s’il ne se présentait pas ainsi. Les militants du PKK ont posé des bombes, commis des attentats très ciblés, contre l’administration turque par exemple. Cette idéologie de gauche n’était pas celle de Massoud Barzani, chef du Parti Démocratique du Kurdistan qui était lui en Irak, et dont la tendance serait plus libérale, même si ça ne veut pas dire grand-chose lorsqu’on est un groupe de paysans dans la montagne.

En Irak, la situation n’est pas simple.

Elle n’est simple nulle part mais c’est vrai qu’en Irak, en plus de Barzani, il y avait un autre parti, de gauche cette fois, l’Union Patriotique du Kurdistan (PUK) dirigé par Jalal Talabani. J’ai un souvenir très précis. C’était dans mon bureau au Ministère de la Santé, Danielle Mitterrand et moi dînions avec Barzani et Talabani. Ils étaient venus ensemble, en dépit de leurs divergences. Eh bien, ils se sont déclaré la guerre. Ils se sont battus à l’intérieur de l’Irak pendant trois ans avec des milliers de morts des deux côtes, Peshmergas des deux côtes. Cela fait déjà presque 60 ans et ce n’est pas encore fini.

Concernant Erdogan, maintenant : tout le monde semble s’étonner de l’attaque du Président turc contre les Kurdes, mais il a toujours dit qu’il frapperait. Vous ne pouvez pas demander à un chef d’État, même s’il est dictatorial et qu’il a mille torts, ce qui est son cas, de rester les bras croisés alors qu’il y a une guerre à l’intérieur de son pays. Les 20 millions de Kurdes ne sont évidemment pas partie prenante, mais beaucoup la soutiennent. Et du côté syrien, il y a les milices kurdes du YPG (branche du Parti de l’Union Démocratique). Si vous êtes en bataille à l’inTérieur, vous ne voulez pas qu’on vous ravitaille de l’extérieur. Donc l’attaque était prévisible.

On a découvert qu’il y a également les Kurdes de Syrie.

Oui, entre la frontière de la Syrie et de la Turquie et un petit bout de l’Irak, il y a des Kurdes. 1, 2 ou 3 millions, on n’en sait rien. Ils furent abandonnés par feu Hafez el Assad qui a peu développé cette partie de territoire à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Qui sont-ils ? Certains ont fait des études à Damas, ils parlent arabe. On a vu récemment des alliances entre les Kurdes de Syrie et les Arabes lors de la grande bataille de Raqqa . Et l’autre grande bataille, celle de Kobané, a été gagnée par des femmes et des hommes kurdes (la commandante de Kobané était une femme).

Quelques Peshmergas d’Irak sont venus à la fin, mais en réalité ce sont les Kurdes de Syrie qui ont per- mis la victoire. Il y a eu des tentatives de gommer les clans et les origines ethniques mais elles se sont malheureusement heurtées à la décision des Turcs d’envahir cette bande de territoire. Il n’y a que des malheurs chez les Kurdes qui aiment à répéter que leurs seuls amis sont les montagnes.

Les Kurdes incarnent une incroyable modernité, pourtant on les a abandonnés…

Oui. Ils représentent une sorte d’ouverture, de souffle, et proposent une vision égalitaire du monde, vis-à-vis des femmes notamment. Ils sont musulmans, sunnites pour la majorité, mais il n’y a aucune alliance entre l’État et la religion.

Tout cela représentait pour nous, au milieu d’un Proche-Orient dictatorial, guerrier et intégriste, un espoir très occidental de démocratie. Ils étaient nos semblables et nos alliés. Ils se sont battus pour nous, ont risqué leurs vies contre l’État islamique. 15 000 d’entre eux sont morts, ce n’est pas rien. Ils incarnaient un espoir très moderne, et nous n’avons pas cru suffisamment à cela.

Ils ont fait un référendum, ouvert, contrôlé, et l’idée de l’autonomie qui irait vers l’indépendance a remporté 92,7 % des voix. J’ai fait partie des observateurs internationaux du référendum d’indépendance du Kurdistan d’Irak, aux côtés notamment de Frédéric Tissot, ancien Consul de France à Erbil. Il fallait voir les vieilles dames qui n’avaient jamais voté mettre leur belle robe pour aller, en boitant, déposer leur bulletin dans l’urne. Et nous, nous étions contre ce référendum. Nous, Américains, Anglais, Français, n’avons rien compris. Nous étions contre parce que les frontières, même les plus injustes, doivent être maintenues, parce que sinon ça fait des dégâts. On m’a dit la même chose pour l’Erythrée, pour le Soudan, pour le Kosovo. C’est pour cela que le droit d’ingérence est une notion préventive, pour éviter la guerre, car des frontières avec des peuples divisés, conduisent à la guerre. En 1991, la France a fait voter au Conseil de sécurité des Nations Unies la résolution 688 qui ouvrait la voie à une opération militaire pour protéger les populations civiles; mais le droit d’ingérence doit se construire tous les jours. La diplomatie doit s’inventer tous les jours. On aurait pu se servir comme d’un support de ce Kurdistan d’Irak qui est juste à côté de la Syrie. Cette entité démocratique, liée à nous, nous l’avons laissé tomber. C’est une erreur. Aujourd’hui, Vladimir Poutine a gagné. Les Américains ont perdu le Proche-Orient.

Les Kurdes représentent une sorte d’ouverture, et proposent une vision égalitaire du monde, vis-à-vis des femmes notamment. Ils sont musulmans, sunnites pour la majorité, mais il n’y a aucune alliance entre l’État et la religion.

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