
L’histoire des juifs espagnols s’étire sur des dizaines de siècles.
La raconter, c’est évoquer ce que fut pour certains un « âge d’or », très vite maculé du sang des massacres et des tortures de l’Inquisition, avant que l’expulsion de 1492 mette un terme brutal à la présence immémoriale des juifs en terre ibérique. Cette diaspora s’essaimera des rivages de la Méditerranée à ceux de la mer du Nord, jusqu’en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, donnant naissance à de nouvelles traditions. Aujourd’hui, c’est Madrid qui lance un appel « au retour »…



Doña Gracia Nasi
UNE ICÔNE JUDÉO-ESPAGNOLE
Par François Azar
Doña Gracia Nasi possède plusieurs noms, plusieurs langues, plusieurs nationalités. Elle naît Béatrice de Luna vers 1510 au royaume du Portugal, dans une famille d’origine juive convertie de force en 1497. Ses ancêtres, les Benveniste et les Mendes, étaient au service des rois d’Aragon et de Castille. Durant son enfance, la pratique du catholicisme s’accommode du maintien d’une forte identité juive dans la vie domestique, sociale et professionnelle.
En 1528, Béatrice de Luna épouse son oncle Francisco Mendes, qui, avec son frère, Diogo, domine le négoce international des épices. Francisco reconnaît la vive intelligence de sa jeune épouse. À son décès, en 1538, elle hérite de la moitié de sa fortune. L’autre moitié revient à Diogo, qui poursuit une fructueuse association avec sa belle-sœur. C’est le début d’une ascension que rien n’arrêtera.
L’empire des épices: Anvers (1538-1544)
De Lisbonne, le siège de l’entreprise se déplace à Anvers, où Béatrice s’installe en 1536 avec sa fille, Ana et sa jeune sœur, Brianda, qui épouse son oncle Diogo. Ce dernier décède en 1542, après avoir confié à sa belle-sœur les rênes de l’empire commercial. Béatrice de Luna est dès lors à la tête d’une immense fortune. C’est l’une des personnalités les plus en vue à la cour de Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint et gouvernante des Pays-Bas. Les deux souverains, toujours à court d’argent, entreprennent de marier la fille de Béatrice avec l’un de leurs protégés, espérant ainsi mettre la main sur sa fortune. Leur insistance persuade Béatrice de quitter Anvers pour Venise.
Le refuge: Venise et Ferrare (1544-1552)
En arrivant à Venise, Béatrice de Luna choisit de s’établir parmi les familles patriciennes et de mener, en apparence, vie chrétienne. À la suite d’une vive querelle entre les deux sœurs, les autorités menacent de dévoiler la double vie de Doña Gracia. Elle quitte Venise pour Ferrare, où, pour la première fois, elle affirme publiquement son judaïsme et adopte le nom juif de Nasi. Elle fait construire une synagogue, finance écrivains et imprimeurs qui permettront que soit publiée la célèbre Bible de Ferrare.
À la cour du sultan: Constantinople (1553-1569)
Face à la progression de la Contre-Réforme en Italie, Doña Gracia Nasi gagne Constantinople, comme tant d’autres marranes dont elle a facilité la fuite. Précédée par sa réputation et celle de sa fortune, elle y est accueillie avec ferveur. Assistée de son neveu, João Miguez, devenu Joseph Nasi, elle assume la direction politique des affaires de la communauté juive, finançant synagogues, fondations pieuses et lieux d’étude.
En 1556, des commerçants marranes du port d’Ancône sont accusés par le pape Paul IV de judaïser en secret…
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